De Quiberon à Carnac

Tour de Bretagne [Étape n°62]

La Côte Sauvage
La Côte Sauvage

Longue étape en vue aujourd’hui car je voudrais faire le tour de la presqu’île et aller jusqu’à Carnac. La côte ouest de Quiberon, côté océan, en dessous de Penthièvre, est ce qu’on appelle La Côte Sauvage.

Clôtures et allées
Des clôtures, des fils de fer, des allées
bien entretenues… Bah.
Cette côte est effectivement très belle, avec des airs du Cap Fréhel mais, à dire vrai, il y d’autres portions de côte tout aussi splendides un peu partout sur le littoral breton qui ne sont pas gâchées comme ici par l’aménagement systématique des chemins. Ceux-ci sont balisés, entourés de fils de fer empêchant qu’on s’aventure en dehors des zones autorisées et qu’on empiète sur la lande. C’est évidemment tout à fait compréhensible et justifié étant donné le nombre de promeneurs qui passent ici mais ce n’est vraiment pas ce que je recherche en rando.

Par Toutatis, un menhir !
Par Toutatis, un menhir !
Et j’ai dormi juste à côté !
Une fois arrivé en bas de cette côte ouest, j’ai donc cessé de suivre le littoral. Au lieu de remonter par la côte est, j’ai coupé aussi directement que possible vers le nord, en suivant sensiblement la ligne du « Tire-bouchon », le train touristique de Quiberon. Guère d’intérêt certes, mais au moins je suis plus rapidement sorti des foules de touristes…

Je suis repassé devant mon bivouac précédent vers 17 heures et ai continué jusqu’en haut de la presqu’île avant de me diriger vers l’est et Carnac en longeant la côte.

J’ai trouvé un bivouac peu avant l’entrée de la ville, non loin d’un menhir (à Carnac, c’était bien le moins) et hop ! Dîner, extinction des feux, à demain.

De Plouhinec à Quiberon

Tour de Bretagne [Étape n°61]

Sur la rivière d'Etel
Sur la rivière d’Etel

Il a plu toute la nuit. J’ai néanmoins bien dormi au chaud et au sec ; ce sursac et cet abri forment un couple d’enfer !

Chaussettes mouillées dans des chaussures mouillées, finalement ça n’est pas si terrible que ça dès qu’on est réchauffé, et mes pieds tiennent bien le coup. Tiens, ça me fait penser que je n’ai absolument jamais eu mal aux pieds avec ces nouvelles chaussures basses et pas la moindre ébauche d’ampoules.

Quelques minutes après avoir quitté mon pommier, je rencontre un homme de la soixantaine qui promène son chien et qui m’aborde « en collègue ». Miguel est allé à Compostelle en 2010 depuis le Puy-en-Velay, en compagnie de son beau-frère qui a dû déclarer forfait à Saint-Jean-Pied-de-Port à cause d’une tendinite. Lui-même a continué jusqu’au bout, peut-être parce qu’il avait trouvé le moyen de n’avoir qu’un petit sac sur le dos et son gros sac dans une charrette bricolée. Recette non brevetée : fixez la roue d’un vélo d’enfant à un demi-wishbone de planche à voile, soudez celui-ci à une plaque d’aluminium achetée chez Leroy-Merlin sur laquelle vous attacherez le sac avec des courroies. Il ne vous restera plus qu’à tirer l’ensemble à l’aide d’un harnais de policier acheté sur le web. « Coût total, moins de 100 euros, et il n’y a eu besoin d’aucune réparation pendant tout le Camino, mis à part un seul changement du pneu ! » Ingénieux et visiblement efficace !

Ce matin encore, le GR34 reste à distance de la mer. Il emprunte des sentiers forestiers, des chemins de terre et des petites routes. Ce n’est pas désagréable mais quand même un peu monotone. Arrivé à la rivière d’Etel, je la franchis à Pont-Lorois et m’arrête sur sa rive droite pour déjeuner tout en regardant les travailleurs de la mer en action. Je profite aussi du retour du soleil pour faire sécher tente, chaussures et chaussettes. Un petit lavage + séchage des pieds complète les soins donnés au matériel. Résultat probant : les chaussettes sèches et les pieds propres et aérés ont décidé de coopérer pour que j’oublie que les chaussures dans lesquelles ils sont à nouveau emballés pour l’après midi restent bien humides.

Tout l’après-midi, je marche d’un bon pas en me trompant systématiquement de chemin à chaque bifurcation. Il y a des jours comme ça… À la Fontaine Sainte-Barbe, sous les regards de quelques promeneurs amusés, je lave à l’eau claire la partie supérieure du bonhomme et son T-shirt manches longues à capuche (très agréable à porter sous le soleil avec une casquette) puis m’engage sur la presqu’île de Quiberon.

En arrivant sur la presqu'île de Quiberon
En arrivant sur la presqu’île de Quiberon
Sur les deux ou trois premiers kilomètres de la presqu’île, il y a plein de jolis endroits pour planter sa tente… sauf que le bivouac est interdit sur les dunes et qu’il paraît qu’il y a des patrouilles. C’est rageant.

Ne le dites à personne, mais vers 19 heures, j’ai profité qu’il n’y avait personne en vue pour me glisser au sein d’un groupe serré de vingt ou trente arbustes buissonnants au sein desquels j’ai réussi à trouver un espace de 2 mètres sur 3 pour y monter l’abri. Chemin à 20 mètres, train touristique à 50 mètres (mais il ne devrait pas rouler la nuit), voie rapide à 100 mètres… mais je suis invisible, et avec mes bouchons d’oreilles, il m’est déjà arrivé de passer une excellente nuit dans le dortoir animé d’une auberge de jeunesse, alors… Good night folks.

De Lorient à Plouhinec

Tour de Bretagne [Étape n°60]

Le lavoir de Saint-Sterlin, parfaitement entretenu

Qu’on est bien dans un lit ! Ce matin, je n’avais vraiment pas envie de me lever et de repartir. Bien que réveillé vers 6 heures, j’ai traîné au lit et me suis d’autant moins pressé pour reprendre la route qu’il faisait un sale temps, ciel gris et petite bruine qui mouille. Nuit pluvieuse, matin pluvieux, c’était le bon jour (enfin la bonne nuit) pour dormir à l’hôtel…

Je suis quand même parti vers 8 heures, un dimanche c’est courageux, non ? Lorient est une ville très étendue, avec au moins trois ponts principaux espacés de plusieurs kilomètres. Le tour de la ville et de l’embouchure du Blavet prend trois bonnes heures, avec des passages très beaux avant et après le Pont du Bonhomme. Ensuite, le GR 34 suit des chemins et des petites routes peu fréquentées, mais pas de littoral aujourd’hui, je n’ai même pas vu la mer.

Depuis deux jours je marche sans bâton et je constate que je vais incontestablement plus vite ainsi. Le bâton unique donne un rythme, aide un peu dans les montées et stabilise dans les descentes et dans les chemins boueux, mais contrairement aux deux bâtons de la marche nordique, il ralentit plutôt le marcheur, me semble-t-il. En tout cas, c’est ce que je constate pour moi. Lorsque mon sac était lourd, il m’aidait bien. Maintenant, je n’en ressens plus le besoin.

Vers 13 heures, déjeuner dans un endroit charmant, hélas infesté de moustiques : un ancien lavoir, rénové et entretenu par un passionné, et décoré par ses soins.

Depuis le randonneur aux galettes de Pont-Aven, j’ai croisé beaucoup de touristes et de promeneurs, mais pas un seul randonneur. Cet après-midi, sur une route minuscule près de Kermorvan, un taxi (!!!) s’arrête à côté de moi. Deux jeunes femmes en sortent avec des sacs à dos aussi gros qu’elles. Ce sont deux allemandes qui randonnent en Bretagne. Elle étaient hier sur l’île de Groix et se font déposer là pour ne plus avoir que 15 km à faire à pied jusqu’à Plouhinec où elles ont réservé ce soir une chambre. On discute, on se sépare, on se retrouvera deux fois dans l’après-midi au gré de nos « pauses techniques » respectives.

En fin d’après-midi, il se remet à pleuvoir par averses drues successives. J’hésite à sortir la Gatewood Cape pour m’en servir comme poncho, mais à l’idée de devoir retirer les haubans qui se trouvent aux coins de la toile, puis ensuite replier celle-ci comme je pourrai, pour avoir ensuite une tente mouillée, je décide que ma veste de pluie toute neuve remplira sûrement très bien son office, et qu’il faut baptiser mon sac à dos étanche.

J’avais repéré sur Iphigénie, en mode photos, un coin tout vert paraissant OK pour le bivouac de ce soir. Mais hélas, il s’agit d’une zone de très hautes herbes, puis de fougères. Impossible d’y planter la tente. En revanche, en cinq minutes j’ai les pieds trempés. Chaussures basses non goretex, guêtres ou pas guêtres, visiblement c’est la même chose. Voilà un point où les chaussures à tige moyenne et en goretex que j’utilisais auparavant (des Lowa Renegade MID GTX) marquent un point.

Après un moment d’errance et de solitude humides qui me paraît très long, je finis par m’installer derrière une maison, en bordure d’un champ et sous un grand pommier dont les branches retombantes et fournies me cachent assez bien. Demain sera un autre jour…

De Guidel à Lorient

Tour de Bretagne [Étape n°59]

Quelques kilomètres avant Lorient
Quelques kilomètres avant Lorient

Quand je me réveille vers 5 heures et demie, il ne pleut plus, mais le sursac me paraît plus lourd que d’habitude et j’ai comme un poids sur les fesses… En fait, le mât est retombé sans que je m’en rende compte, et j’ai dormi sans souci, bien à l’abri dans le sursac et sous la toile de la tente effondrée. Je sors de là un peu ahuri et constate en effet qu’il a bien plu… mais à l’intérieur du sursac pas une goutte, et mon duvet est resté sec. Aux innocents les mains pleines !

Alors qu’il fait encore nuit, je relève donc une nouvelle fois la tente, que le vent resté fort sèchera en moins d’une heure tandis que je finis ma nuit. A 7 heures, je lève le camp.

Matinée assez monotone, à marcher sous les nuages bas et dans le vent jusqu’à Larmor Plage où j’arrive encore, comme par un fait exprès, au moment précis de l’ouverture d’un restaurant de plage. Comme j’ai besoin de me refaire une santé après ces émotions et que je n’ai jamais mangé de hamburger au rouget, plat du jour (pas mauvais du tout), je m’offre une pause.

L’après-midi, je rejoins Lorient en quelques heures, fais le tour de l’ancienne base de sous-marins, du musée sous-marin et du port et décide que j’ai bien mérité une nuit sous un toit, d’autant que je ne me vois pas planter la tente dans un jardin public de la ville. Va donc pour un hôtel cette nuit ! Une bonne douche chaude, un rasage bienvenu, ma lessive, des fils tendus partout dans la chambre pour faire sécher le linge et, après des moules marinières à la brasserie du coin, dodo à 19h30 ! Demain je redeviendrai sauvage mais ce soir, vive la civilisation !

De Kercarn à Guidel

Tour de Bretagne [Étape n°58]

L'embouchure de la Laïta
L’embouchure de la Laïta

J’‘ai passé une excellente nuit dans ce petit pré isolé et suis reparti vers 9 heures en longeant la côte jusqu’à l’anse de Doëlan dont j’ai fait le tour avant d’arriver à un autre fleuve côtier, la Laïta. Ce cours d’eau (dont le nom a une consonance étonnamment russe, je trouve) délimite la « frontière » entre le Finistère et le Morbihan. Ce soir donc, après avoir fait sur une quinzaine de kilomètres le tour de l’embouchure de la Laïta entre Le Pouldu et Guidel c’est dans le Morbihan que je planterai la tente, après 35 étapes finistériennes.

Une fois revenu sur le bord de mer, le chemin traverse les dunes, dans un paysage qui me rappelle le Nord et ces dunes autour de Leffrinckouke, entre la frontière belge et Dunkerque, où je suis passé il y a huit ans lors de la première étape de ma Traversée nord-sud de la France… Du sable, des oyats, et des blockhaus dans tous les coins, gris, sales et couverts de tags. Une humanité glauque déambule en petits groupes peu sympathiques, et il y a de-ci de-là parmi les herbes des seringues usagées et des papiers à colombins… Voilà qui me fait rapidement rejeter l’idée de chercher un abri pour la nuit dans un des blockhaus.

Pourtant, un abri en dur n’aurait pas été de refus ce soir car il y a beaucoup de vent et le ciel se couvre, laissant présager de la pluie pour bientôt. Il est déjà tombé quelques gouttes dans l’après-midi, rien d’abondant, mais ce soir cela semble plus sérieux. La présence de nombreux étangs rend difficile de s’enfoncer dans les terres et finalement, je trouve un coin à peu près correct et plat, à une centaine de mètres de la mer, et où je suis invisible depuis les blockhaus à junkies.

Il est près de 21 heures et je suis crevé. Sans réfléchir, je monte l’abri comme les jours précédents, en m’arrangeant pour que ce soit ma tête qui soit un peu plus haut que les pieds et avec le bâton réglé à 115 cm. Une semoule froide, un reste de Coca, dodo. Enfin, j’essaie. Le vent souffle bien, et il passe sous la toile de la tente, m’arrivant directement sur le sommet du crâne. Qu’à cela ne tienne, je sors mon bonnet du sac et l’enfile, et je place le sac à dos entre ma tête et la paroi. C’est mieux que rien. Sursac fermé, bouchons d’oreilles en place, ça devrait aller…

Ben non. Ca ne va pas du tout. J’ai réussi à m’endormir plus ou moins mais vers minuit je suis réveillé par le bâton qui vient de me tomber sur les jambes. Le vent a arraché la sardine du hauban principal et le mât s’est cassé la figure. Je me dis enfin que j’aurais intérêt à rapprocher la toile du sol en diminuant la hauteur du mât. Debout donc, et nouveaux réglages de la Cape dans le vent et sous les gouttes qui commencent à tomber. Avec une hauteur de 105 cm et des haubans replacés et retendus, la toile est collée au sol presque partout, cela va beaucoup mieux, et le vent ne passe plus en desssous. Plus de deux heures avant de penser à raccourcir le mât, ce n’est pas brillant… D’ailleurs même à ce moment-là je n’ai pas pensé que j’aurais dû réorienter l’abri pour que le vent n’arrive plus de travers, mais par l’arrière. En y réfléchissant le lendemain, je comprendrai qu’orienter l’ouverture de la tente vers l’est (ce qui permet de voir le lever du soleil, en plus), et donc l’arrière vers l’ouest (d’où vient le vent marin) serait doublement une bonne idée à l’avenir.

Enfin bref. Après quelques minutes d’efforts dans le vent, je réussis à fixer tout ça et replonge dans le duvet alors que les premières gouttes commencent à tomber. J’aime bien la pluie. Les gouttes sur la toile me bercent et je m’endors.

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