De Borcastel à Pouldon

Tour de Bretagne [Étape n°66 - Belle-Île 2/3]

aiguilles
Les Aiguilles de Port-Coton

Comme souvent en bivouac, je me suis réveillé plusieurs fois pendant la nuit mais à chaque fois je me suis très vite rendormi après avoir simplement changé de position. L’association duvet + sursac m’a permis de ne pas avoir froid alors que j’avais laissé les ouvertures de la tente grandes ouvertes. J’avais craint hier soir d’être gêné par la lumière du phare des Poulains qui traversait la paroi translucide de la Plexamid, mais cela n’a pas été le cas.

J’ai le plaisir de voir au matin qu’il n’y a pas la moindre ébauche de condensation sur la toile. C’est sans doute dû en partie au fait d’avoir gardé la tente ouverte, probablement aussi à mon choix d’un site de bivouac un peu éloigné de la mer et sous le couvert des arbres. De fait, alors que le sol de la minuscule pinède où j’ai dormi était parfaitement sec, il suffira que je me rapproche de la mer pour marcher sur un sol détrempé.

Il fait très beau : le ciel est bleu, il n’y a pas un nuage et pratiquement pas de vent. Il ne fait pas chaud, en revanche, et la doudoune n’est pas de trop pour marcher. Parti peu après huit heures, je me dirige d’abord vers le hameau de Kerguec’h avec l’espoir d’y demander de l’eau, mais un dimanche matin à cette heure-là il n’y a que les chiens qui soient réveillés lorsque j’y arrive (certes, avec le raffut qu’ils font à mon passage, il est probable que leurs maîtres le sont aussi lors que j’en repars…)

Jusqu’à Donnant, la marche est facile, essentiellement sur de la lande, avec seulement deux ou trois descentes/ montées. À Donnant, je n’ai plus d’eau. Je décide alors de remonter vers le bourg, à 700 mètres, car la carte IGN indique là-bas la présence d’une fontaine. Macache. Il n’y a là qu’un trou boueux au fond d’un amas de ronces. Heureusement, dans le village, un homme courageux s’est levé tôt pour planter des crocus dans son jardin, ce qui me permet de lui demander de remplir ma bouteille d’un litre et également, par prudence vu la rareté des points d’eau sur l’île, ma Platypus de secours.

Marie-Galante
Le restaurant « La Marie-Galante » était ouvert…
Je repars ainsi alourdi de près de trois kilos et demi, mais l’esprit nettement plus léger. Qu’on se rassure, cette honteuse entorse à la MULitude est vite punie, lorsque deux heures plus tard je passe à Goulphar devant le restaurant « la Marie-Galante »… qui est ouvert !

À partir de Donnant, c’est beaucoup plus sportif. Ça descend et ça remonte à chaque plage, à chaque crique, à chaque ruisseau, avec souvent peu de terrain plat entre deux. Mais les paysages sont magnifiques, la mer s’élance sans cesse à l’assaut de la côte découpée, formant des anses abruptes et des rochers ciselés, comme les célèbres « Aiguilles de Port-Coton ».

La dernière heure de la journée est un peu rude, ce qui m’amène à quitter le bord de mer à 17 heures pile pour me diriger vers une zone repérée sur la carte qui paraît être un petit bois. Et de fait, banco, c’est bien un bosquet, d’ailleurs récemment livré aux bûcherons, au sein duquel je trouve un coin pas trop difficile à débarrasser des branches cassées ou coupées. Comme hier, je vais dormir sur un moelleux tapis d’aiguilles ! Toilette complète, dîner, écriture de ces mémoires, et dodo !

gobelait fermé
gobelait ouvert
En parlant de dîner, un petit mot technique : au lieu d’une popote de 600 ml comme d’habitude, j’ai choisi d’emporter une popote de 300 ml en titane, très légère et dont le volume est suffisant pour faire chauffer de l’eau.

Je l’ai transportée dans deux « gobelaits » (des culs de bouteilles de lait) emboîtés servant de bols, pour un poids total inférieur à cent grammes. C’est pratique à transporter et séduisant en théorie, mais une fois qu’on a mis des aliments – disons,au hasard, de la purée – dans un gobelait, les rainures de celui-ci empêchent de le récurer correctement et on est obligé de ranger la popote dans un récipient mal nettoyé.

J’ai trouvé une parade provisoire en protégeant la popote dans un sac ziploc, mais ce qui est parfait pour ne faire que du café ne l’est donc pas vraiment lorsqu’il s’agit d’y mettre de la nourriture cuisinée. Un point à améliorer, donc.

Du Palais à Borcastel

Tour de Bretagne [Étape n°65 - Belle-Île 1/3]

Le phare des Poulains au loin
Le phare des Poulains, au loin…

Réveil à sept heures, lever sans me presser, départ à huit heures et demie. J’ai prévu de faire ce tour de Belle-Île dans le sens anti-horaire. Il fait un temps superbe avec un soleil radieux. Un passage à la boulangerie me permet d’acheter un croissant et un pain aux raisins (je ne me refuse rien) et de discuter le bout de gras avec la boulangère. Elle est elle-même férue de randonnée, mais elle n’a pas encore eu l’opportunité de faire tout le tour de son île.

Pour bien commencer la journée, je me trompe immédiatement de chemin en suivant le port jusqu’à l’autre côté du débarcadère, ce qui m’oblige à revenir sur mes pas avant de pouvoir traverser la citadelle Vauban et de sortir de la ville. Première constatation : je ne suis pas en grande forme physique, et j’ai du mal dès que le chemin monte un peu. Il n’y a pourtant pas de longues côtes, mais ça monte et ça redescend sans arrêt, en « casse-pattes », et certaines pentes sont vraiment très… pentues. Bon. Aujourd’hui, cela va donc être « chi va piano… va molto piano ».

Une jolie petite plage
Vers 10h30 je fais une pause sur une petite plage au fond d’une crique. Au moment où je vais m’engager à nouveau sur le chemin raide et étroit qui repart de la plage, une jeune randonneuse arrive avec un reflex autour du cou. Je m’arrête et lui propose de passer devant car « elle ira sûrement plus vite que moi ». Elle accepte avec une légère hésitation, et je réalise après coup qu’elle avait peut-être dans l’idée de s’arrêter un peu pour prendre des photos de cette jolie crique.

Un peu plus tard, je la rejoins alors qu’elle est assise au bord du chemin en grignotant un morceau. Je m’excuse de lui avoir mis la pression un peu plus tôt, on discute et on repart ensemble pour un bout de chemin.

Juliette fait elle aussi le tour de Belle-Île, mais en quatre jours et dans le désordre car elle ne bivouaque pas et n’a trouvé d’endroits où se loger qu’au Palais et à Bangor. Elle a marché hier du Palais à Locmaria d’où elle est retournée en stop à son hôtel du Palais, elle compte aller aujourd’hui jusqu’au phare des Poulains et retourner ensuite au Palais, également en stop, et c’est toujours en stop qu’elle compte aller demain à Locmaria pour en repartir en direction de Bangor.

Quand je lui dis que je vais bivouaquer, elle s’étonne de la petite taille de mon sac et me pose des tas de questions. Je lui parle de la randonnée légère, de ce blog et du forum randonner léger où elle me dit qu’elle ira jeter un œil, et je déballe mon sac sur le bord du chemin pour lui montrer mon matériel. On se quitte au bord de la ria de Sauzon où je m’arrête à mon tour pour déjeuner et faire une petite sieste.

Une fois de l’autre côté de la ria, je profite que les toilettes du port de Sauzon soient ouvertes pour y remplir mes bouteilles avant de me diriger vers la pointe des Poulains. J’ai bien fait d’être prudent car les toilettes de l’Espace Sarah Bernhardt sont fermées, comme est fermé le musée construit dans ce qui fut auparavant un fort, puis la maison de l’actrice.

À partir de la Pointe des Poulains, on passe du côté de l’île exposé au large et en quelques centaines de mètres la mer change du tout au tout. Calme jusque-là, elle devient très agitée alors même qu’il n’y a pas un poil de vent. Le sol, en revanche, est nettement plus plat et régulier. C’est de la lande avec juste quelques « casse-pattes » de 20 ou 30 mètres pour ne pas perdre la main – enfin, les jambes – mais sans plus.

Un endroit parfait pour planter sa tente
Un endroit parfait pour planter sa tente
À Ster Vraz, le spot de bivouac où mes collègues de RL ont passé la nuit ne me plaît pas. Je comprends qu’ils l’aient choisi car il peut accueillir une petite troupe, mais cet espace dégagé à proximité immédiate de la mer me paraît trop exposé au vent et à l’humidité.

Je continue mon chemin et m’enfonce dans les terres d’environ deux cents mètres, ce qui est suffisant pour trouver un excellent site de bivouac dans une toute petite zone plantée d’un vingtaine de pins dont les aiguilles recouvrent le sol d’un tapis moelleux. J’espère que l’endroit permettra d’éviter les ennuis décrits par mes récents prédécesseurs qui se sont retrouvés trempés au matin. Je saurai cela demain.

Aux marches du Palais

Tour de Bretagne [Interlude]

Arrivée nocturne au Palais
Arrivée nocturne au Palais

Plus de six mois se sont écoulés depuis qu’à Auray j’ai repris le train pour Montparnasse… Entretemps, j’ai randonné sur quelques longs week-ends, j’ai remplacé une partie de mon matériel, j’ai passé beaucoup de temps sur le forum randonner-léger (RL), et j’ai commencé à réfléchir sérieusement à la longue marche que je prévois de faire en 2020 entre Paris et Syracuse.

Un participant du forum RL m’a donné l’idée de faire le détour de Belle-Île, où je n’avais pas envisagé d’aller lorsque je suis passé par Quiberon l’été dernier. J’ai donc ajouté le tour de l’île à ce nouveau tronçon de mon Tour de Bretagne, envisageant de le faire en sa compagnie et en celle de quelques autres marcheurs ultra-légers. Le décalage entre les calendriers scolaires de Bretagne et de l’Île-de-France ne l’a pas permis ; ils sont partis la semaine dernière et ont relaté quatre journées très agréables et trois nuits très humides.

Malgré leurs conseils, j’ai décidé de ne pas emporter ma tente double toit Power Lizard (neuf ans et toujours d’attaque) mais de prendre le risque de l’humidité en étrennant la tente simple toit Plexamid achetée récemment.

Depuis Montparnasse, j’ai rejoint Auray en deux heures et demie, inconfortablement coincé entre un voisin de gauche obèse et un voisin d’en face aux longues jambes. Ensuite, une petite heure de car jusqu’à Quiberon où j’ai pu attraper le bateau de 19h00 pour le Palais. Le soleil se couchait quand le bateau a quitté Quiberon, il faisait nuit en arrivant à Belle-Île. Depuis la mer, on voyait de loin les lumières du Palais, en face, et de Sauzon, plus à droite. Encore plus à droite, le phare des Poulains. À gauche, une lumière rouge qui devrait être celle du phare de la Jument.

Il ne faisait pas froid, mais pas bien chaud non plus. J’ai bien supporté, sur le pont supérieur, l’association micropolaire + doudoune + coupe-vent.

Dîner dans une crêperie sympathique, puis repli dans la chambre d’hôtel réservée il y a une semaine ; simple, propre et pas chère, parfait pour une bonne nuit en prévision des kilomètres à venir.

De Locmariaquer à Auray

Tour de Bretagne [Étape n°64]

Le long de la rivière d'Auray
Le long de la rivière d’Auray. Dans quelques kilomètres, le TGV… (snif)

Je n’aime pas ces dernières demi-étapes qui finissent habituellement mes randonnées de plusieurs jours. C’est encore la rando, mais ce n’est plus la rando. Il y a un train à prendre, un horaire à respecter, l’esprit ne réussit pas à rester dans l’état de légèreté où il se trouvait les jours précédents.

Même si, aujourd’hui, les premiers kilomètres de ce retour at home longeaient le Golfe du Morbihan, magnifique à marée haute et me donnant envie de revenir pour la suite, c’était un nouveau petit deuil à faire… jusqu’à la prochaine fois. À bientôt donc !

De Carnac à Locmariaquer

Tour de Bretagne [Étape n°63]

Le port de la Trinité-sur-Mer
Le port de la Trinité-sur-Mer

Chloé, la fille de mon ami Marc, habite à La Trinité-sur-Mer. J’avais donc promis de passer la voir, mais sans vouloir y passer la nuit malgré son insistance. Je suis donc allé ce matin lui faire la bise, avaler un copieux petit déjeuner tardif en sa compagnie, et prendre une douche.

Chloé habite dans une petite rue dont je tairai le nom. Quand j’ai demandé le chemin pour m’y rendre, la dame à qui je m’adressais m’a répondu d’un air méfiant : « Hum, c’est la maison des Le Pen que vous cherchez ? » avant de m’indiquer d’un doigt dédaigneux que nous étions à 50 mètres du coin de ladite rue. Effectivement, mon amie m’a confirmé que sa maison est située presque en face de celle du politicien, mais je n’ai pas fait de mauvaise rencontre.

Dans l’après-midi, j’ai quitté temporairement le GR34 qui remonte directement vers Auray pour continuer à suivre la côte jusqu’à Locmariaquer. Pas facile de progresser dans ce coin. Les sentiers, à plusieurs reprises, débouchent inopinément sur des portails fermés, voire sur des ponts privatisés ! J’ai fini par décider de ne pas voir le panneau de sens interdit placé sur un portail grand ouvert pour suivre une route allant dans la bonne direction, mais ai été rapidement « rattrapé par la patrouille », enfin par la fermière, propriétaire des lieux, qui m’a indiqué que la route était privée, qu’elle allait vers SES champs et SES vaches, et que je devais faire demi-tour. Elle a eu l’air à peine désolée quand le chien qui l’accompagnait m’a mordillé le mollet pour insister sur l’inconvenance de ma conduite.

Quelques kilomètres de détours plus tard, je suis arrivé à Locmariaquer pour la dernière nuit avant le retour à mes pénates, nuit prévue à l’hôtel de longue date pour redonner au vagabond que je serai devenu la figure présentable et l’aspect si distingué qui me caractérisent habituellement, avant le retour en train et les retrouvailles familiales demain.

Eh oui. Demain. Déjà.

Locmariaquer
Arrivée à Locmariaquer. En face, Port Navalo.
Pour y arriver, il me faudra faire tout le tour du Golfe du Morbihan
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