Un homme dans une voiture
- Publié le Mercredi 23 septembre 2020
- par Serval
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« Voici vos clefs, Monsieur. La voiture est garée dans le parking de l’aéroport, à deux pas d’ici. Pour y aller, c’est très simple, vous traversez la route qui passe devant le terminal, vous prenez à droite sur le trottoir d’en face et vous marchez sur une centaine de mètres jusqu’à la ligne jaune qui conduit à nos voitures. Cela ne vous prendra pas plus de trois minutes. Et d’ailleurs, votre voiture aussi est jaune, ah-ah ! C’est une Hyundai Atos jaune. »
Je n’avais aucune idée de ce à quoi une Hyundai Atos pouvait bien ressembler. J’avais juste réservé une petite voiture de location et une chambre d’hôtel en achetant mon billet d’avion pour La Vallette. Il était six heures du soir et à cette heure-là, en février, il fait nuit. Impossible de distinguer la moindre ligne jaune sur le sol, mais des voitures jaunes, ça oui, il semblait y avoir des centaines dans cet immense parking mal éclairé. Après vingt ou vingt-cinq minutes passées à déchiffrer des plaques d’immatriculation à la lumière de mon téléphone, j’ai fini par tomber sur le bon numéro. Ouf. J’ai mis ma valise dans le coffre, ai ouvert la porte du conducteur, et… Quoi ? Le volant est placé du côté passager ? Oh me*de ! On conduit à gauche à Malte ?
Je devais rejoindre un hôtel situé dans une ville appelée Floriana « c’est juste avant d’entrer dans La Vallette », m’avait dit le loueur de voitures, « vous ne pourrez pas le louper » (mais je n’étais pas non plus censé louper la ligne jaune sur le trottoir, n’est-ce pas ?), en conduisant une voiture où tout était à l’envers. Avez-vous déjà essayé de passer les vitesses d’une boîte mécanique avec la main gauche ? [Cette question s'adresse uniquement aux lecteurs droitiers non-britanniques]. Croyez-moi sur parole, c’est un must, spécialement la nuit, dans un pays étranger, alors que vous ne savez pas exactement où vous devez aller.
Par chance, les routes étaient pour la plupart à sens unique mais il y avait des ronds-points ! Oh me*de, à nouveau… est-ce que je dois prendre ce giratoire dans le même sens que chez nous ou dans l’autre sens ? Aucun panneau ne l’indiquait et, à l’évidence, les conducteurs autochtones avaient tous sournoisement décidé de ne plus emprunter cette route tant que j’y serais pour ne pas risquer de me servir d’exemple. Mais à rusé, rusé et demi ! Je me suis rangé sur le bas-côté jusqu’à ce qu’une voiture veuille bien arriver et qu’elle prenne le rond-point… à l’envers bien sûr, dans le sens des aiguilles d’une montre !
Une demi-heure et quelques erreurs de trajet plus tard, j’ai fini par arriver à la ville. Ah chouette, voici l’enseigne de l’hôtel ! Tout heureux, j’ai tourné à gauche dans sa direction en cherchant des yeux une place pour me garer. Vous savez, les policiers sont très polis par ici.
« Bonjour Monsieur, avez-vous remarqué que vous conduisiez sur le côté droit de la chaussée, juste avant de prendre cette route à sens unique dans le mauvais sens ? » demanda le policeman en me saluant. Je tâtonnai fébrilement sur ma portière pendant quelques secondes en cherchant le moyen d’ouvrir la fenêtre, ne réussis pas à trouver le bouton (c’était aussi une poignée mécanique), et finalement ouvris la porte et descendis sur la chaussée en m’excusant.
« Je suis désolé Monsieur l’Agent, je n’ai pas l’habitude de conduire à gauche et j’étais si content d’avoir enfin trouvé mon hôtel ! » Il me regarda avec un tel air de commisération que j’eus l’impression de l’entendre penser : ce pauvre garçon est français, et visiblement un peu limité. « – C’est bon, allez-y », me dit-il en me montrant une place de parking. « Dépêchez-vous, s’il vous plaît. »
Les amis, j’ai un jeu amusant à vous proposer : le jour où vous aurez l’occasion de conduire une voiture avec le volant à droite, essayez donc de vous garer en marche arrière sur une place de stationnement coincée entre deux arbres, alors qu’il fait nuit noire et qu’un policier vous surveille. Vous verrez, vous allez adorer. Mais bon, j’y suis arrivé. Ma valise à la main, je suis entré dans l’hôtel et me suis dirigé vers l’accueil, riant intérieurement en imaginant le récit que Jerome K. Jerome aurait pu tirer de mes tribulations.
(La Vallette, 7 février 2007)
Pise-aller
- Publié le Mercredi 9 septembre 2020
- par Serval
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Et voilà… la première partie de ma longue promenade s’est achevée à Pise il y a une semaine et me voici de retour chez moi.
Depuis mon départ il y a trois mois, bien des choses se sont passées. J’ai parcouru à pied un peu plus de 1.800 kilomètres et grimpé – et redescendu – environ 33.000 mètres de dénivelé. Et surtout, j’ai vécu intensément chaque journée, j’ai vu des endroits splendides et j’ai fait de belles rencontres.
Avec un smartphone, il aurait été beaucoup trop long de publier chaque jour sur ce blog les billets que j’ai écrits sur Facebook pendant mon périple mais ils sont désormais tous accessibles ici.
Les événements de ces derniers mois ont montré que rien n’était acquis et qu’il était hasardeux de faire des prédictions, « surtout quand elles concernent l’avenir », mais si tout va bien je repartirai de Pise l’an prochain, sans doute au début du mois de mai, pour effectuer la seconde partie de ce voyage à pied jusqu’à Syracuse.
Donc… à suivre !
Où suis-je ?
- Publié le Mardi 2 juin 2020
- par Serval
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Il est peu probable que j’écrive de nouveaux articles de blog au cours des prochains mois puisque j’ai enfin pu partir de Paris aujourd’hui. Me mettant en route trop tard pour espérer arriver à Syracuse cette année, je vais répartir ce trajet sur deux ans. Je suivrai l’une ou l’autre des deux traces prévisionnelles indiquées en rouge sur la carte ci-dessous :
- l’initiale, passant par la Suisse et le Col du Grand Saint Bernard, est mise en stand-by par l’incertitude actuelle sur le passage des frontières ;
- la seconde, passant par Menton via la Grande Traversée des Alpes, me permettra si nécessaire d’aller le plus loin possible vers le sud tout en restant en France.
Les deux traces se rejoignent en Italie au niveau de l’Alta Via dei Monti Liguri. On verra bien laquelle je peux suivre, selon l’évolution de la situation sanitaire. J’indiquerai sur la carte, jour après jour, toutes mes étapes réellement effectuées depuis Paris. Au fur et à mesure que le temps passera et que les étapes se succéderont, les petites marques bleues devraient donc recouvrir les traits rouges… et la dernière de ces marques indiquer l’endroit où je suis arrivé(l’icône située en haut à droite permet d’ouvrir la carte en grand dans Google Maps).
Par suite d’un incident indépendant de notre volonté…
- Publié le Lundi 4 mai 2020
- par Serval
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Voilà près de deux ans que la date d’aujourd’hui était entourée de rouge dans mon calendrier mental, comme LE jour où je fermerais la porte de mon appartement, sac sur le dos et chaussures de marche aux pieds, et où j’entamerais un long voyage à pied de Paris à Syracuse.
Eh bien, c’est raté ! Au lieu d’être aujourd’hui en train de m’extirper de la métropole parisienne, je suis confiné à mon domicile à cause d’un virus qui paralyse le monde entier, et j’écris ces quelques lignes sur le clavier d’un ordinateur que je pensais ne plus avoir l’occasion d’utiliser pendant six mois.
Le plus fort de la déception est toutefois déjà passé car j’ai progressivement compris au cours des dernières semaines qu’il ne me serait pas possible de rallier Syracuse cette année.
Cela ne veut pas dire que j’aie pour autant renoncé à faire cette longue marche. Le risque qu’un randonneur solitaire en bivouac attrape le virus, et devienne donc contagieux, est assurément plus faible que celui que la même personne court et fait courir aux autres en vivant à Paris, et seules les interdictions actuelles m’empêchent de partir.
Il est en effet actuellement interdit aux Français de s’éloigner de leur domicile d’une distance supérieure à 100 km mais on peut toujours espérer que cela redeviendra autorisé avant l’été. Cela me permettrait de partir quand même cette année, mais pas d’atteindre la Sicile avant novembre ou décembre, à une époque où les journées sont vraiment très courtes et où il ne serait plus envisageable de gravir l’Etna sans équipement hivernal.
Espérer n’est pas interdit par les lois »
— Henry de Montherlant
En admettant que nous ne soyons pas privés trop longtemps du droit de nous déplacer librement, j’ai donc prévu de scinder mon périple en deux parties : une partie française cette année, une partie italienne l’an prochain. Je suivrai d’abord un chemin proche de mon trajet initial via le cours de la Seine, le Morvan et le Jura mais, au lieu de continuer ensuite vers la Suisse et le Col du Grand Saint-Bernard, je rejoindrai la rive sud du Lac Léman pour poursuivre mon voyage par la Grande Traversée des Alpes jusqu’à Menton, où j’atteindrai à la fois la Méditerranée et la frontière italienne.
L’an prochain, je repartirai de Menton et passerai en Italie par l’Alta Via dei Monti Liguri, sauf si je décide plutôt de partir une nouvelle fois de chez moi afin de parcourir en une seule fois le trajet initialement prévu.
La carte ci-dessous indique ce nouveau tracé, avec en bleu le souvenir du trajet primitif par la Suisse, le Val d’Aoste et le Piémont. Mais pour l’instant… wait and see! Ou plutôt : chi vivrà vedrà!
Dans la forêt (Jean Hegland)
- Publié le Lundi 20 avril 2020
- par Serval
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Nell a 17 ans. C’est son journal que nous lisons, rédigé sur le cahier qu’Eva, son aînée d’un an, lui a offert pour le premier Noël qui a suivi la mort de leurs parents. Les deux sœurs ont toujours vécu dans leur maison familiale, au cœur d’une grande forêt du nord de la Californie. Elles étudiaient avec acharnement, Nell pour intégrer Harvard, Eva pour devenir ballerine. Leur vie était heureuse jusqu’à la mort de leur mère, d’un cancer, quelques mois plus tôt, même si le monde qu’elles ont toujours connu avait déjà commencé à s’effondrer.
Autour d’elles et de leur père, en effet, tout se détériore peu à peu. L’électricité va et vient puis disparaît. Le téléphone, internet, la poste, plus rien ne fonctionne. Les magasins ferment, les trains et les avions ne circulent plus. Protégées par leur isolement, elles apprennent par touches que des troubles ont eu lieu dans le pays et ailleurs sur la planète, qu’il y a des épidémies, des crues, peut-être un accident nucléaire, mais finalement aucun événement initial bien identifié qui signerait le début de cette fin du monde.
Livrées à elles-mêmes après la mort accidentelle de leur père, les deux sœurs doivent apprendre à survivre et à vivre ensemble. Elles vont faire leur deuil d’un monde qui n’existe plus et de rêves d’avenir qui n’ont plus aucun sens. Devenues adultes en peu de temps, il leur faut subvenir à leurs besoins essentiels et pour cela apprivoiser la nature qui les entoure.
À la fois roman post-apocalyptique, roman écologique et roman d’apprentissage, et soutenu par une splendide écriture, « Dans la forêt » — dont la publication aux États-unis date de 1996 — est l’un de ces rares livres qu’on voudrait pouvoir lire à la fois très lentement pour en déguster chaque phrase et à toute vitesse pour connaître la suite… un livre qui marque et dont on se souvient.
« Au début, quand le courant sautait alors que nous préparions un repas, nous sortions le réchaud à gaz Coleman et terminions la cuisson sur les brûleurs qui sifflaient, jusqu’au jour où nous n’avons plus pris la peine de ranger le Coleman. Lorsque nous avons fini la dernière bonbonne de gaz et qu’à la quincaillerie on n’en vendait plus nous avons trouvé comment cuire des pommes de terre sous le charbon du poêle dans le salon et appris à faire sauter des pancakes, à cuire des haricots à l’eau et du riz à la vapeur sur le dessus. [...] Notre père a creusé un trou dans le ruisseau, l’a tapissé de pierres et de sacs-poubelle en plastique noir, l’a recouvert avec un panneau de signalisation CÉDEZ-LE-PASSAGE qu’il avait récupéré autrefois à la déchetterie, et l’a fièrement appelé « réfrigérateur ». » Jean Hegland — Dans la forêt (vf. Gallmeister, 2017) |