De La Ciotat à Bandol

Sur la Côte d’Azur [Étape n°01]


Enfin reparti !

Plus d’un an après l’arrêt forcé de ma longue marche de 2023, me voici de nouveau sur les chemins. Mon genou droit multi-opéré est encore un peu douloureux mais il ne m’a pas empêché de parcourir au cours des derniers mois une dizaine de kilomètres par jour en prévision de ce qui ne pourra être cette année qu’une « moyenne promenade » visant à tester la mécanique et à déterminer si une longue promenade peut être raisonnablement envisagée l’année prochaine.

Plutôt que de repartir de Riom pour reprendre mon périple avorté de l’an dernier à l’endroit où il s’était arrêté, j’ai finalement choisi de suivre cette fois-ci les traces du même Invader sur la Côte d’Azur.

Arrivé vers 14h à la gare de La Ciotat, j’ai rejoint au bout de quelques kilomètres le drapeau « Départ » que l’artiste a posé à Saint-Cyr-sur-mer en 2007. Je devrais « flasher » si tout va bien le drapeau « Arrivée » qu’il a collé à Menton d’ici une quinzaine de jours.

Je préfère habituellement marcher sans avoir prévu mon point d’étape du soir, quitte à dormir sous la tente si je ne trouve pas d’abri en dur, mais en l’occurrence j’ai préféré réserver hier soir une chambre à Bandol pour cette nuit car des orages avec des pluies abondantes ont sévi dans la région au cours des dernières 48 heures. Du coup, il n’a pas fallu que je traîne après Saint-Cyr-sur-Mer pour ne pas finir cette première étape à des heures indues.

En définitive il avait cessé de pleuvoir quand je suis arrivé et cela m’a fait parcourir dix-sept kilomètres dans l’après-midi. C’était sans doute trop pour une reprise mais le genou a tenu bon, on verra ce que cela donne dans les prochains jours. En tout cas, ce soir je dors à Bandol et j’ai dejà « flashé » mes premières mosaïques.

Une « moyenne promenade » sur la Côte d’Azur

ChaussureAu cours des dernières années, les quelque trois cents billets que j’ai publiés sur Lignes de Fuite ont presque tous été placés dans sa rubrique « Randos » consacrée à mes longues marches. La partie Blog du site est ainsi restée quasi vierge de tout nouvel article. À l’époque, cela m’a semblé adapté pour regrouper les billets consacrés à chacun de ces périples mais comme, de périple, il risque fort de ne plus être question avant longtemps, je vais revenir à mes premières amours et publier de nouveau mes billets sur le blog.

Deux à trois mois de « longue promenade » chaque année, c’était devenu une douce habitude qui a été brutalement interrompue fin juin 2023 par une blessure du genou droit qui m’a obligé à interrompre à Riom l’Invader Trail débuté à Bilbao sept semaines plus tôt. J’ai pensé sur le moment qu’il s’agissait d’une simple lésion de ménisque et j’ai même espéré pouvoir reprendre ma marche une fois qu’elle aurait été traitée.

Sans entrer dans les détails, cet espoir était beaucoup trop optimiste. La déchirure du ménisque s’accompagnait de plusieurs fractures de fatigue du plateau tibial et d’une arthrose du genou. J’ai été opéré plusieurs fois mais, avec plus d’un an de recul, l’articulation reste douloureuse et l’épanchement n’a pas complètement régressé.

Je ne suis donc pas reparti cette année et je ne sais pas s’il me sera un jour possible de marcher à nouveau pendant de longues périodes. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de « tester la mécanique » sur une courte durée (autour de deux semaines je suppose) en allant « flasher » à pied les mosaïques qu’Invader a placées tout au long de la Côte d’Azur. L’artiste en avait posé quarante, il en reste aujourd’hui vingt-six, dispersées sur la côte ou à l’intérieur des terres entre Saint-Cyr-sur-Mer et Menton.

Dans une dizaine de jours si tout va bien, je descendrai du train à La Ciotat et me dirigerai vers l’est avec en ligne de mire la frontière italienne, là même où a débuté il y a deux ans ma Diagonale Sud-Est Nord-Ouest. Les Space Invaders qui se trouvent sur le trajet seront pour moi des objectifs successifs à atteindre, jour après jour, pour découvrir comment ce satané genou se comporte.

Invader Trail

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PA_1234 (un SI « parisien » situé bien loin de Paris).

Au cours des dix ou douze dernières années, mes « longues promenades » m’ont fait, entre autres, traverser la France du nord au sud, puis de l’est à l’ouest, et l’an dernier en une longue diagonale sud-est -> nord-ouest.

Il semblait aller de soi que je finisse cette série de traversées de l’Hexagone en suivant cette année la diagonale symétrique à la précédente. Le problème, c’est que je n’étais absolument pas séduit par l’idée de cheminer pendant plusieurs semaines le long de la « diagonale du vide » comme il est habituel de désigner la bande de territoire qui va du département de la Meuse à celui des Landes et est appelée ainsi en raison de sa faible densité de population.

J’avais beau avoir lu et relu Pensées en chemin d’Axel Kahn, Le droit du sol d’Étienne Davodeau et quelques autres livres, et être très intéressé par la création en cours d’un « Trek de grande itinérance dans l’hyperuralité française » (sic) baptisé Le Chemin Sauvage, la baisse de moral que j’avais ressentie lors des deux semaines passées l’été dernier à traverser le centre quasi-désertique du pays, dans le sud du Puy-de-Dôme et la Creuse, ne m’incitait pas du tout à me lancer dans une telle entreprise.

J’ai pensé un moment à suivre un trajet similaire à celui de la Grande Traversée de la France réalisée par Jean-Marc « Caminaïre » en 2020 où à celui de l’Hexatrek, en partant de l’Alsace pour passer successivement par les Vosges, le Jura, le nord des Alpes, les Cévennes et les Pyrénées jusqu’à l’Océan atlantique. Oui, mais non… Comme je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises, je ne suis pas un fanatique des sommets et le dénivelé cumulé aurait risqué d’être trop important pour mon âge bientôt vénérable.

J’ai donc mis longtemps à me décider. J’ai même commencé à élaborer un tracé totalement différent… dont je ne dirai rien aujourd’hui histoire de ne pas divulgâcher, qui sait, le trajet d’une marche ultérieure. Et puis, comme c’est souvent le cas pour ce type de projet, c’est progressivement que l’idée m’est venue de réunir le passe-temps qui m’a occupé quasiment tous les jours depuis six mois – je parle de la collecte des Space Invaders avec l’application FlashInvader – avec mon goût pour les longues marches.

Outre l’agglomération parisienne qui est de loin l’endroit où ils sont les plus nombreux, il en effet possible de « flasher » des SI dans bon nombre de villes de France et d’Europe accessibles à pied. Je me suis donc concocté un trajet partant de Bilbao, au Pays basque espagnol, pour s’achever à Strasbourg en passant par une dizaine de villes dans lesquelles se trouvent des Space Invaders.

L’inconvénient principal de ce trajet, c’est que par définition il me fera passer par plusieurs grandes villes ce qui n’est jamais la partie la plus agréable des longues marches. Son intérêt, outre le fait que les chemins que je parcourrai seront souvent bien balisés (y compris certaines portions du Camino de Santiago que je suivrai à l’envers) et que je devrais traverser de beaux paysages, est que je vais joindre « l’utile » accumulation de points dans FlashInvader à mon agréable (j’espère bien) longue promenade de cette année que j’ai évidemment choisi de baptiser « Invader Trail ».

Le chemin théorique que je suivrai est indiqué sur la carte ci-dessus. Il passera successivement par les villes « envahies » suivantes : Bilbao / Pau / Montauban / Clermont-Ferrand / Lyon / Genève / Lausanne / Berne / Bâle et s’achèvera à Strasbourg. Si mon rythme de marche le permet, je ferai en outre deux détours, l’un par Toulouse, l’autre par Grenoble – le premier étant plus probable que le second mais on verra bien.

J’ai estimé la distance totale à parcourir à un peu moins de 2.000 kilomètres et le dénivelé cumulé à environ 35.000 mètres. Départ de Bilbao prévu le 6 ou le 7 mai, selon le temps qu’il m’aura fallu pour flasher les SI de cette première ville. Tic-tac, tic-tac…

Space Invaders

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PA_1353 (Paris – 13ème arrondissement).

J’ai passé tout l’automne et l’hiver à marcher. Rien d’étonnant à cela pourrait-on dire mais en fait si car depuis mon arrivée à Porspoder je n’ai pratiquement plus fait de randonnée en dehors de promenades d’une journée en Bretagne et je n’ai bivouaqué qu’une seule fois. Pourtant je n’ai vraiment pas arrêté de marcher. J’ai passé une grande partie de mes journées, quatre ou cinq fois par semaine, à arpenter les rues de Paris et des communes avoisinantes à la recherche de « Space Invaders ».

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Tout le monde ou presque connaît ces petites mosaïques inspirées du jeu vidéo éponyme des années quatre-vingts. En 1998, leur créateur, l’artiste parisien qui a choisi le pseudonyme d’Invader, a eu l’idée de transposer les pixels du jeu vidéo en tesselles de céramique. Les Space Invaders de l’univers virtuel ont ainsi intégré le monde concret et parsèment désormais les rues d’une centaine de villes, en France et dans le monde entier.

Le quatre millième « SI » a été collé il y a un an à Potosi en Bolivie, à tout juste 4.000 mètres d’altitude. À Paris où elles sont près de mille cinq cents, et même si l’on n’y fait le plus souvent pas attention, on peut quasiment les voir à chaque coin de rue. Il y en a à Rome, à New-York, à Tokyo… mais aussi au fond de la mer à Cancún, au 3ème étage de la Tour Eiffel et même dans l’espace, à bord de la Station Spatiale Internationale.

FlashInvaders
Lorsque je suis revenu chez moi à la fin de l’été dernier après ma longue diagonale entre Menton et Porspoder, je me suis rappelé qu’avant mon départ j’avais lu quelque chose à propos d’une application sur smartphone permettant de « flasher » (photographier) ces mosaïques pour gagner des points permettant de gagner… rien du tout en dehors du plaisir de collectionner des créatures toutes différentes et de progresser dans le classement d’un jeu, appelé « FlashInvaders », auquel participent maintenant près de 300.000 personnes.

Ce jeu sans prétention m’a donné la motivation dont j’avais besoin pour marcher, tous les jours ou presque, pendant plusieurs heures dans les rues de Paris lorsque je m’y trouve et d’entretenir ainsi pendant ma forme physique pendant la morte saison.

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Il m’a aussi permis de redécouvrir une ville que je croyais connaître et de me rendre compte que c’était loin d’être vrai. Sans l’objectif de trouver de nouvelles mosaïques, je ne serais sans doute jamais allé dans certaines petites rues de la ville ou dans certains endroits qui, bien que n’ayant assurément pas un intérêt touristique majeur – les bords du périphérique par exemple – m’ont permis de découvrir des coins inconnus qui en valent souvent la peine… et de me procurer quelques émotions.

Ces longues promenades urbaines et péri-urbaines m’ont aussi permis de redécouvrir le street-art auquel je m’étais intéressé il y a bien des années mais dont je m’étais progressivement détaché, restant surtout centré sur les œuvres que j’allais voir dans les galeries ou les musées.

En quelques mois j’ai pratiquement achevé ma collection des Space Invaders parisiens et l’idée s’est fait jour de réunir ma manie du moment avec ma passion de toujours. J’ai choisi de dessiner le trajet de ma prochaine « longue promenade » en le faisant passer par une dizaine de villes d’Espagne, de France et de Suisse dans lesquelles se trouvent des SI et de baptiser logiquement cette prochaine longue marche « Invader Trail ». J’en parlerai bientôt.

Interlude

france_seno

Voilà plus de deux ans que la partie « Blog » de ce site est quasiment déserte et pour cause : presque tous les articles que j’ai publiés au cours de ces deux années — autour de deux cent trente, quand même — ne l’ont pas été ici mais dans la rubrique « Randos » où se trouvent mes billets écrits au jour le jour pendant mes longues marches de 2020-2021 (De Paris au Salento) et de 2022 (Diagonale SE-NO).

C’est donc là qu’il faut aller si vous avez envie de lire le récit de mes « longues promenades » passées et à venir.

Toutefois ce site était à l’origine destiné à recevoir également des billets concernant mes lectures et mes émotions artistiques, ce qu’évoque le double sens du nom que je lui ai donné, « Lignes de fuite ». Au cours des derniers mois, j’ai allié les deux en parcourant de nombreux kilomètres dans les rues de Paris et d’autres villes d’Europe, recherchant ou découvrant au hasard les œuvres d’artistes urbains dont le travail parfois splendide m’a souvent ému et parfois émerveillé. J’en parlerai ici bientôt.

Quoi qu’il en soit… merci de votre intérêt !

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