Sept heures du matin, Vancouver
- Publié le Dimanche 10 avril 2011
- par Serval
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J’ai déplié à grand-peine le journal sur la petite table ronde, entre un pot de beurre et une assiette avec des toasts et des croissants. Un mug de thé dans la main droite, je tourne les pages avec la gauche, tout en buvant, à petites gorgées, le breuvage chaud et un peu âcre. Il y a vraiment des tas de choses horribles dans les journaux. De la politique. Des crimes. Des guerres. Des cataclysmes.
Déjeuner en paix (Stephan Eicher) |
C’est le matin à Vancouver. Dans ma chambre d’hôtel, au vingtième étage, je parcours l’exemplaire du journal The Province que le garçon d’étage a apporté avec le petit déjeuner. Ça devient quelque chose de spécial, un journal, quand on le lit en prenant son petit déjeuner. Ça sent les oeufs au plat et le thé. Et le jus d’orange. Et le beurre, aussi. Dans un tel bain d’odeurs douillettes, comment des histoires de guerre pourraient-elles nous atteindre ?
Les news, bien sûr, sont en anglais, cela ajoute de la distance. Et puis, je ne suis pas à la maison. Les désastres d’aujourd’hui semblent moins réels, plus relatifs, plus lointains. « Au Japon, les survivants du tsunami peinent à envisager le futur ». Bon, je lirai ça plus tard, peut-être. « Vancouver célèbre son 125e anniversaire ». Bah. « L’OTAN détruit 25 tanks de Kadhafi près de Misrata ». Ah non, pas aujourd’hui S.V.P. « Aux Masters d’Augusta, Rory McIlroy conserve la tête après trois jours de compétition ». Ah, très bien, page 25, allons-y voir. Ensuite, j’irai faire un tour sur les pages Culture. Et je jetterai un coup d’oeil à la météo aussi.Sept heures. Il est encore tôt et il bruine. J’irai au Vancouver Convention Centre tout à l’heure. Après tout, ce dimanche de travail peut bien m’attendre cinq minutes de plus, rien ne presse.
Le printemps à Paris
- Publié le Samedi 2 avril 2011
- par Serval
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Le printemps est arrivé d’un seul coup. Comme un fils prodigue attendu depuis trop longtemps, il est enfin revenu, après un hiver interminable. Neige, gelées, verglas en décembre. Grisaille et pluie ensuite, comme un mois de novembre qui n’en finissait pas.
Mais aujourd’hui, ça y est, l’hiver est oublié. Le calendrier n’a pas menti, l’équinoxe est passé, et le printemps est là. Les couleurs de nouveau envahissent la ville. Les branches se garnissent de pousses vert tendre, les buissons de forsythias déploient leur feuilles jaunes, les fleurs recommencent à habiller les jardins publics.
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Ce jeune printemps est même un peu fou, il va trop loin. Il n’a pas seulement fait beau et ensoleillé aujourd’hui, il a fait vraiment chaud. Vingt-cinq degrés ou plus, on se serait cru en juin.
Certes, il fait encore frais le matin. Il ne se passera sans doute pas longtemps avant qu’il se remette à pleuvoir, avril commence à peine. Pourtant, cet après-midi, les lunettes de soleil étaient de retour dans les rues de Paris. Les chemises légères et les tee-shirts s’étaient échappés des placards où les manteaux les avaient remplacés. On pouvait de nouveau entrevoir la gracieuse silhouette des Parisiennes sous leurs robes légères.
Bienvenue, cher printemps. C’est si bon de te revoir enfin.
Un œil neuf
- Publié le Jeudi 31 mars 2011
- par Serval
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Grand braquet, petit braquet, grand braquet de nouveau. Les chemins de Vestvågøy montent et descendent sans cesse et les pentes sont abruptes. D’un fjord à l’autre, entre les bras de mer qui séparent les îles, sur des routes désertes et des chemins de terre, ça grimpe : aux Lofoten, les montagnes plongent droit dans la mer. À la fin d’une longue descente, un virage et… surprise ! une ébauche de plat, un répit entre la roche et l’eau, une plage. Du sable et des rochers qui semblent juste posés sur les vaguelettes, comme des tables où manger un morceau, comme des lits sur lesquels faire un somme.
Pas un bruit, pas un bateau, pas même un oiseau. Personne. Je m’allonge et m’endors. Vingt minutes de sieste, d’un vrai sommeil profond. Quand mes paupières s’ouvrent, c’est pour revoir la mer, les rochers, et des montagnes au loin.
Au loin, mais paraissant tout près à travers l’air limpide. Suis-je bien réveillé ou est-ce encore un rêve ?
— Est-ce que tu te rends compte de la chance que tu as de vivre dans un pareil endroit et de pouvoir contempler tous les jours des paysages aussi magnifiques ?
— J’essaie, mais tu sais, je suis souvent bien trop occupée pour pouvoir prendre le temps d’admirer le paysage.
Pourquoi en serait-il autrement… L’érosion des sensations est la même partout. Le Parisien qui conduit sur les Champs-Elysées regarde les feux rouges, les piétons qui traversent, les autres automobiles — j’admets que c’est prudent — sans plus admirer la perspective de la « plus belle avenue du monde », les hiéroglyphes de l’Obélisque ou les bas-reliefs de l’Arc de Triomphe. Cela fait partie du décor, il ne les voit plus.
Comment faire pour voir encore les lieux où nous vivons, pour continuer d’admirer les beautés du quotidien ? Comment les regarder avec l’émerveillement de l’étranger qui les découvre ? Comment retrouver un œil neuf ?
Changement de paradigme
- Publié le Lundi 28 mars 2011
- par Serval
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Cette fois, ça y est, j’ai sauté le pas. Il y a longtemps que j’hésitais, mais tout le monde en parlait avec insistance et passion : les scientifiques, les sociologues, les économistes, les hommes politiques, les médecins, les écologistes, les hommes d’affaires, tous ceux qui comptent, quoi. Alors voilà, ça y est, j’ai osé. J’ai cessé de tergiverser, j’ai franchi le Rubicon. Hier soir, avant de me coucher, j’ai changé de paradigme.
Et ce matin… aaahhHHH, ce matin ! Lorsque je me suis réveillé, tout était différent, le monde avait changé. Je ne dirais pas qu’il était meilleur, non, je ne peux pas dire ça, mais il n’était plus le même. Les choses étaient plus… ou plutôt, elles étaient moins… enfin, c’était différent, complètement différent. De toute façon, c’était devenu indispensable. Il fallait que je me décide, avant qu’il soit trop tard. Et maintenant que c’est fait, je me sens mieux, vraiment mieux. J’espère simplement que je ne regretterai pas trop mon ancien paradigme. Depuis le temps que je vivais avec, je m’y étais habitué.
La langue des fées
- Publié le Jeudi 24 mars 2011
- par Serval
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Traduit dans notre alphabet, voilà ce que cela donne :
Vvelios — Santerio sa, Santareo aa, Silar Ieqo
Tilureo ar, To sainteri ar, O-leriam, Sa doles
To le vvaielim, Rraielim, A Silar, Re torpem, A Silar
Si vous ne reconnaissez pas la langue utilisée dans ce morceau, rassurez-vous, c’est normal. Il s’agit de la langue des fées, le Laoris. Le titre du morceau, Vvelios , signifie d’ailleurs « Découvrez le Laoris » en Laoris.
Chacun sait que les fées sont beaucoup moins logiques et sans doute moins intelligentes que les humains. Elles ont en revanche un sens artistique bien plus développé que le nôtre, et leur musique paraît encore plus aérienne lorsqu’elle est chantée en Laoris.
Peut-être savez-vous aussi que l’alphabet Laoris, le vva, comprend 14 consonnes et 5 voyelles. Les lettres de chaque mot sont écrites de part et d’autre d’une ligne ondulée verticale, la tige (sulia en Laoris), et le texte se lit de haut en bas le long de chaque sulia.
Les consonnes ont une position constante sur la sulia. La lettre f, par exemple, est représentée par une feuille sur son bord gauche, tandis que la lettre n est une petite branche fourchue sur son bord droit. Les voyelles, en revanche, peuvent être écrites à droite ou à gauche de la sulia, selon la position de la consonne la plus proche.
Le texte intégral de Vvelios et d’autres chansons de Caprice en Laoris, ainsi que leur traduction en anglais, se trouvent sur leur site. Si le langage des fées vous intéresse, vous pouvez approfondir ici votre connaissance de sa grammaire, et même télécharger un dictionnaire Anglais-Laoris.
Grâce à quoi vous devriez être parfaitement à l’aise pour faire une petite causette avec la prochaine fée que vous rencontrerez.
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Post Scriptum humain : La musique de Caprice est composée par Anton Brejestovski, qui tient aussi les claviers dans le groupe. C’est une musique néoclassique surtout acoustique — harpe, flûte, clarinette, basson, violon, violoncelle — avec un soupçon d’électronique et la jolie voix de soprano d’Irina Brejestovskaya. Anton Brejestovski, qui est par ailleurs diplômé en linguistique, a aussi inventé le Laoris et son original système d’écriture.