Invader Trail

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PA_1234 (un SI « parisien » situé bien loin de Paris).

Au cours des dix ou douze dernières années, mes « longues promenades » m’ont fait, entre autres, traverser la France du nord au sud, puis de l’est à l’ouest, et l’an dernier en une longue diagonale sud-est -> nord-ouest.

Il semblait aller de soi que je finisse cette série de traversées de l’Hexagone en suivant cette année la diagonale symétrique à la précédente. Le problème, c’est que je n’étais absolument pas séduit par l’idée de cheminer pendant plusieurs semaines le long de la « diagonale du vide » comme il est habituel de désigner la bande de territoire qui va du département de la Meuse à celui des Landes et est appelée ainsi en raison de sa faible densité de population.

J’avais beau avoir lu et relu Pensées en chemin d’Axel Kahn, Le droit du sol d’Étienne Davodeau et quelques autres livres, et être très intéressé par la création en cours d’un « Trek de grande itinérance dans l’hyperuralité française » (sic) baptisé Le Chemin Sauvage, la baisse de moral que j’avais ressentie lors des deux semaines passées l’été dernier à traverser le centre quasi-désertique du pays, dans le sud du Puy-de-Dôme et la Creuse, ne m’incitait pas du tout à me lancer dans une telle entreprise.

J’ai pensé un moment à suivre un trajet similaire à celui de la Grande Traversée de la France réalisée par Jean-Marc « Caminaïre » en 2020 où à celui de l’Hexatrek, en partant de l’Alsace pour passer successivement par les Vosges, le Jura, le nord des Alpes, les Cévennes et les Pyrénées jusqu’à l’Océan atlantique. Oui, mais non… Comme je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises, je ne suis pas un fanatique des sommets et le dénivelé cumulé aurait risqué d’être trop important pour mon âge bientôt vénérable.

J’ai donc mis longtemps à me décider. J’ai même commencé à élaborer un tracé totalement différent… dont je ne dirai rien aujourd’hui histoire de ne pas divulgâcher, qui sait, le trajet d’une marche ultérieure. Et puis, comme c’est souvent le cas pour ce type de projet, c’est progressivement que l’idée m’est venue de réunir le passe-temps qui m’a occupé quasiment tous les jours depuis six mois – je parle de la collecte des Space Invaders avec l’application FlashInvader – avec mon goût pour les longues marches.

Outre l’agglomération parisienne qui est de loin l’endroit où ils sont les plus nombreux, il en effet possible de « flasher » des SI dans bon nombre de villes de France et d’Europe accessibles à pied. Je me suis donc concocté un trajet partant de Bilbao, au Pays basque espagnol, pour s’achever à Strasbourg en passant par une dizaine de villes dans lesquelles se trouvent des Space Invaders.

L’inconvénient principal de ce trajet, c’est que par définition il me fera passer par plusieurs grandes villes ce qui n’est jamais la partie la plus agréable des longues marches. Son intérêt, outre le fait que les chemins que je parcourrai seront souvent bien balisés (y compris certaines portions du Camino de Santiago que je suivrai à l’envers) et que je devrais traverser de beaux paysages, est que je vais joindre « l’utile » accumulation de points dans FlashInvader à mon agréable (j’espère bien) longue promenade de cette année que j’ai évidemment choisi de baptiser « Invader Trail ».

Le chemin théorique que je suivrai est indiqué sur la carte ci-dessus. Il passera successivement par les villes « envahies » suivantes : Bilbao / Pau / Montauban / Clermont-Ferrand / Lyon / Genève / Lausanne / Berne / Bâle et s’achèvera à Strasbourg. Si mon rythme de marche le permet, je ferai en outre deux détours, l’un par Toulouse, l’autre par Grenoble – le premier étant plus probable que le second mais on verra bien.

J’ai estimé la distance totale à parcourir à un peu moins de 2.000 kilomètres et le dénivelé cumulé à environ 35.000 mètres. Départ de Bilbao prévu le 6 ou le 7 mai, selon le temps qu’il m’aura fallu pour flasher les SI de cette première ville. Tic-tac, tic-tac…

Space Invaders

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PA_1353 (Paris – 13ème arrondissement).

J’ai passé tout l’automne et l’hiver à marcher. Rien d’étonnant à cela pourrait-on dire mais en fait si car depuis mon arrivée à Porspoder je n’ai pratiquement plus fait de randonnée en dehors de promenades d’une journée en Bretagne et je n’ai bivouaqué qu’une seule fois. Pourtant je n’ai vraiment pas arrêté de marcher. J’ai passé une grande partie de mes journées, quatre ou cinq fois par semaine, à arpenter les rues de Paris et des communes avoisinantes à la recherche de « Space Invaders ».

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Tout le monde ou presque connaît ces petites mosaïques inspirées du jeu vidéo éponyme des années quatre-vingts. En 1998, leur créateur, l’artiste parisien qui a choisi le pseudonyme d’Invader, a eu l’idée de transposer les pixels du jeu vidéo en tesselles de céramique. Les Space Invaders de l’univers virtuel ont ainsi intégré le monde concret et parsèment désormais les rues d’une centaine de villes, en France et dans le monde entier.

Le quatre millième « SI » a été collé il y a un an à Potosi en Bolivie, à tout juste 4.000 mètres d’altitude. À Paris où elles sont près de mille cinq cents, et même si l’on n’y fait le plus souvent pas attention, on peut quasiment les voir à chaque coin de rue. Il y en a à Rome, à New-York, à Tokyo… mais aussi au fond de la mer à Cancún, au 3ème étage de la Tour Eiffel et même dans l’espace, à bord de la Station Spatiale Internationale.

FlashInvaders
Lorsque je suis revenu chez moi à la fin de l’été dernier après ma longue diagonale entre Menton et Porspoder, je me suis rappelé qu’avant mon départ j’avais lu quelque chose à propos d’une application sur smartphone permettant de « flasher » (photographier) ces mosaïques pour gagner des points permettant de gagner… rien du tout en dehors du plaisir de collectionner des créatures toutes différentes et de progresser dans le classement d’un jeu, appelé « FlashInvaders », auquel participent maintenant près de 300.000 personnes.

Ce jeu sans prétention m’a donné la motivation dont j’avais besoin pour marcher, tous les jours ou presque, pendant plusieurs heures dans les rues de Paris lorsque je m’y trouve et d’entretenir ainsi pendant ma forme physique pendant la morte saison.

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Il m’a aussi permis de redécouvrir une ville que je croyais connaître et de me rendre compte que c’était loin d’être vrai. Sans l’objectif de trouver de nouvelles mosaïques, je ne serais sans doute jamais allé dans certaines petites rues de la ville ou dans certains endroits qui, bien que n’ayant assurément pas un intérêt touristique majeur – les bords du périphérique par exemple – m’ont permis de découvrir des coins inconnus qui en valent souvent la peine… et de me procurer quelques émotions.

Ces longues promenades urbaines et péri-urbaines m’ont aussi permis de redécouvrir le street-art auquel je m’étais intéressé il y a bien des années mais dont je m’étais progressivement détaché, restant surtout centré sur les œuvres que j’allais voir dans les galeries ou les musées.

En quelques mois j’ai pratiquement achevé ma collection des Space Invaders parisiens et l’idée s’est fait jour de réunir ma manie du moment avec ma passion de toujours. J’ai choisi de dessiner le trajet de ma prochaine « longue promenade » en le faisant passer par une dizaine de villes d’Espagne, de France et de Suisse dans lesquelles se trouvent des SI et de baptiser logiquement cette prochaine longue marche « Invader Trail ». J’en parlerai bientôt.

Interlude

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Voilà plus de deux ans que la partie « Blog » de ce site est quasiment déserte et pour cause : presque tous les articles que j’ai publiés au cours de ces deux années — autour de deux cent trente, quand même — ne l’ont pas été ici mais dans la rubrique « Randos » où se trouvent mes billets écrits au jour le jour pendant mes longues marches de 2020-2021 (De Paris au Salento) et de 2022 (Diagonale SE-NO).

C’est donc là qu’il faut aller si vous avez envie de lire le récit de mes « longues promenades » passées et à venir.

Toutefois ce site était à l’origine destiné à recevoir également des billets concernant mes lectures et mes émotions artistiques, ce qu’évoque le double sens du nom que je lui ai donné, « Lignes de fuite ». Au cours des derniers mois, j’ai allié les deux en parcourant de nombreux kilomètres dans les rues de Paris et d’autres villes d’Europe, recherchant ou découvrant au hasard les œuvres d’artistes urbains dont le travail parfois splendide m’a souvent ému et parfois émerveillé. J’en parlerai ici bientôt.

Quoi qu’il en soit… merci de votre intérêt !

Enfin la Sicile !

Ortigia dans la tempête
Ortigia dans la tempête.

Trois mois après la fin de ma longue marche jusqu’à l’extrême sud italien, je peux confirmer n’avoir aucun remords d’avoir décidé, une fois arrivé à Salerne, de ne plus me diriger vers Syracuse mais vers Santa Maria di Leuca. La fin de mon périple, à travers le sud de la Campanie, la Basilicate et les Pouilles, jusqu’au bout du talon de la botte italienne, a été un plaisir de chaque instant que même la canicule des deux dernières semaines n’a pas réussi à atténuer.

Pas de remords donc, ce choix de changer de destination fut le bon. Mais des regrets… oui bien sûr. Un rêve inachevé laisse forcément des regrets.

C’est en avion que j’ai finalement atteint la Sicile il y a quelques jours pour un séjour touristique banal, à Palerme puis… à Syracuse où sévissaient la tempête et les inondations. Ce n’est certes pas ainsi que j’avais imaginé atteindre un jour Ortigia et le Castello Maniace mais finalement, j’y suis arrivé ! Bien content d’ailleurs de dormir sous un toit pendant que sévissait un ‘Medicane’ (ouragan méditerranéen) empêchant quiconque de mettre le nez dehors.

J’en ai profité pour me plonger dans la lecture du Guépard, magnifique roman sicilien dont l’adaptation cinématographique par Luchino Visconti a remporté en 1963 la Palme d’Or du Festival de Cannes.

Le guépard (Giuseppe Tomasi di Lampedusa)
« Angelica et Tancredi passaient en ce moment devant eux, la main droite gantée du jeune homme posée à la hauteur de la taille d’Angelica, les bras tendus et entrelacés, les yeux de chacun rivés dans ceux de l’autre. Le noir du frac, le rose de la robe, mêlés, formaient un étrange bijou. Ils offraient le plus pathétique des spectacles, celui de deux très jeunes amoureux qui dansent ensemble, aveugles à leurs défauts respectifs, sourds aux avertissements du destin, dans l’illusion que tout le chemin de la vie sera aussi lisse que les dalles du salon, acteurs inconscients qu’un metteur en scène fait jouer dans les rôles de Roméo et Juliette en cachant la crypte et le poison, déjà prévus dans l’œuvre. Ni l’un ni l’autre n’était bon, chacun était plein de calculs, gros de visées secrètes ; mais ils étaient tous les deux aimables et émouvants tandis que leurs ambitions, peu limpides mais ingénues, étaient effacées par les mots de joyeuse tendresse qu’il lui murmurait à l’oreille, par le parfum de ses cheveux à elle, par l’étreinte réciproque de leurs corps destinés à mourir. »
Giuseppe Tomasi di Lampedusa — Le guépard (Points Seuil)

Santa Maria di Leuca


Lundi 2 août 2021, huit heures du matin… the end.

Voilà, c’est fini, je suis arrivé. Au bout de 3.343 kilomètres parcourus en 147 étapes, j’ai atteint la pointe du Salento, l’extrémité du talon de la botte italienne. Le phare de Santa Maria di Leuca est devant moi, et la mer. Le soleil est déjà brûlant mais il y a un peu de vent.

Je suis arrivé mais comme je l’ai toujours su, « c’est le chemin qui compte, pas la destination »… Compostelle, ou Syracuse, ou Santa Maria di Leuca, peu importe finalement ; ce qui compte et qui comptera, ce sont toutes ces journées écoulées, tous ces lieux découverts, toutes ces rencontres.

Impossible bien sûr de citer toutes les personnes dont j’ai fait la connaissance grâce à ce voyage, croisées pendant quelques minutes ou dont j’ai temporairement partagé la route. Croyez-moi, je me souviens parfaitement de chacun(e) d’entre vous et, pour ceux et celles qui m’ont accompagné jusqu’ici, y compris bien sûr ma famille et mes amis, sachez que votre présence, vos commentaires et vos encouragements m’ont soutenu plus que je ne saurais dire.

Merci à tous. À bientôt.

À pied, de Paris au Salento

J’en suis là…

Lorsqu’à Salerne je me suis rendu compte qu’à moins de ne marcher que sur les routes il me serait impossible de traverser la Calabre pour rejoindre la Sicile et Syracuse, la seule solution qui m’est venue à l’esprit il y a deux semaines a été de m’arrêter à l’endroit où j’étais arrivé.

Au cours des mois précédents, je n’avais pourtant pas hésité à modifier le parcours de mon périple à chaque fois que cela m’avait semblé souhaitable, mais le nom « À pied de Paris à Syracuse » était si bien implanté dans mon cerveau que je n’ai pas pensé que rien ne m’empêchait de changer d’objectif…

Il m’a fallu un peu de temps pour me rappeler que « c’est le chemin qui compte, pas la destination » et trouver ainsi le moyen de remédier à la frustration causée par cet arrêt prématuré : je vais reprendre mon chemin là où je l’ai interrompu, avec désormais en point de mire le talon de la botte.

Je vais donc repartir dans quelques jours. Depuis Salerne, je compte rejoindre les Vie Francigene del Sud en quelques journées de marche vers le nord-est. Elles ne sont certainement pas aussi bien balisées que les chemins de pèlerinage du Nord de l’Italie mais elles devraient quand même être à peu près praticables et me permettre d’avancer. Je compte découvrir ainsi Matera, Brindisi, et finalement si tout va bien Santa Maria di Leuca, en traversant la Basilicate et les Pouilles, jusqu’à la mer ionienne. Ma « longue promenade » continue.

Pise, le retour


Retour à Pise sous un ciel radieux

Bye-bye la grisaille parisienne de ces derniers jours ! Sitôt passé les Alpes, le ciel a changé de couleur. « Nel blu, dipinto di blu », c’est un vrai bleu du sud, juste souligné par quelques bancs de nuages effilochés, qui a accompagné mon retour ferroviaire vers la Toscane, huit mois après en être parti.

Et lorsque je suis arrivé à Pise, comment dire… eh bien, c’était l’Italie ! D’accord, il n’y avait pas beaucoup de monde dans les rues et sur les places – les touristes ne sont pas encore revenus – mais l’air était lumineux, il faisait bon, et j’ai pu déguster, entre la gare et la tour penchée, ma première « birra alla spina » en terrasse depuis bien longtemps.

Patience… Plus que quelques jours et, en France aussi, on pourra de nouveau prendre un verre en terrasse.

(En attendant, pour me suivre, cela sera ici sur la page Facebook dédiée à ce périple, en attendant que je reproduise ici après mon retour tous mes articles).

Le Soleil des Scorta (Laurent Gaudé)

Un ‘trabocco’ sur la côte apulienne

Le soleil du mois d’août écrase le massif du Gargano. Ayant atteint le sommet de « ce qui semblait être la dernière colline du monde », l’homme hébété de chaleur perché sur le dos de son âne se dirige vers Montepuccio, le village des Pouilles dont il a été chassé quinze ans plus tôt, pour revoir enfin la femme à laquelle il n’a cessé de penser en prison.

Par le viol qu’il va commettre – mais qui, en fait, n’en sera pas un – et par l’erreur qu’il fait alors en prenant Immacolata Biscotti pour sa sœur décédée, Luciano Mascalzone va être à l’origine de la lignée des Scorta : son fils Rocco le bandit, les trois enfants de celui-ci (Domenico Mimi va fan’culo, Giuseppe Pepe pancia piena et Carmela Miuccia) auxquels s’adjoignent le « frère adoptif » Raffaele Faelucc’ et bientôt la génération suivante avec Elia et Donato, puis la suivante encore avec Anna.

À sa mort, Rocco a fait don de tous ses biens à l’Eglise pour que les siens, désormais, « ne soient plus fous, mais pauvres », les libérant ainsi de la malédiction familiale et leur permettant de devenir de bons chrétiens et de prospérer. Comme Faelucc’ le dira à son neveu Elia bien des années plus tard : « il faut profiter de la sueur » – ce qui veut dire que les années de labeur sont les plus heureuses de la vie.

Désormais réduits à la misère, Domenico, Giuseppe et Carmela s’embarquent pour tenter leur chance à New-York mais ils sont refoulés à Ellis Island et doivent revenir en Italie. C’est sur le bateau du retour qu’il vont gagner, grâce à leur travail et à l’entregent de Carmela, ce qu’ils appelleront « l’argent de New-York », mise de départ pour créer leur entreprise familiale, un bureau de tabac à partir duquel la famille va se faire une place au soleil. Ils vont travailler, travailler, travailler, tout gagner et choisir de tout perdre, dans la sueur et dans le silence car, si l’amour est partout, les mots sont rares chez les Scorta.

Voilà un très beau roman écrit par un amoureux de l’Italie qui connaît particulièrement bien la région du Mezzogiorno où l’histoire se déroule, cet ergot de la botte italienne où la terre, couverte de poussière et d’oliviers, est écrasée de soleil et de religion et où la mer, éblouissante et bleue, porte des barques de pêcheurs, des trabocchi et des contrebandiers. Les phrases sont courtes et sèches comme la terre des Pouilles ; on les lit comme on lirait un conte, la saga légendaire d’une famille construite au fil des générations, d’abord méprisée, puis crainte, puis admirée, mais toujours liée par l’amour et le respect de sa terre, de son sang et de son nom.

Le Soleil des Scorta (Laurent Gaudé)
« Les olives sont éternelles. Une olive ne dure pas. Elle mûrit et se gâte. Mais les olives se succèdent les unes aux autres, de façon infinie et répétitive. Elles sont toutes différentes, mais leur longue chaîne n’a pas de fin. Elles ont la même forme, la même couleur, elles ont été mûries par le même soleil et elles ont le même goût. Alors oui, les olives sont éternelles. Comme les hommes. Même succession infinie de vie et de mort. La longue chaîne des hommes ne se brise pas. Ce sera bientôt mon tour de disparaître. La vie s’achève. Mais tout continue pour d’autres que nous.»
Laurent Gaudé — Le Soleil des Scorta (Actes Sud)

Un homme dans une voiture

La Vallette

La Vallette (Malte) – Grand Harbour by night

« Voici vos clefs, Monsieur. La voiture est garée dans le parking de l’aéroport, à deux pas d’ici. Pour y aller, c’est très simple, vous traversez la route qui passe devant le terminal, vous prenez à droite sur le trottoir d’en face et vous marchez sur une centaine de mètres jusqu’à la ligne jaune qui conduit à nos voitures. Cela ne vous prendra pas plus de trois minutes. Et d’ailleurs, votre voiture aussi est jaune, ah-ah ! C’est une Hyundai Atos jaune. »

Je n’avais aucune idée de ce à quoi une Hyundai Atos pouvait bien ressembler. J’avais juste réservé une petite voiture de location et une chambre d’hôtel en achetant mon billet d’avion pour La Vallette. Il était six heures du soir et à cette heure-là, en février, il fait nuit. Impossible de distinguer la moindre ligne jaune sur le sol, mais des voitures jaunes, ça oui, il semblait y avoir des centaines dans cet immense parking mal éclairé. Après vingt ou vingt-cinq minutes passées à déchiffrer des plaques d’immatriculation à la lumière de mon téléphone, j’ai fini par tomber sur le bon numéro. Ouf. J’ai mis ma valise dans le coffre, ai ouvert la porte du conducteur, et… Quoi ? Le volant est placé du côté passager ? Oh me*de ! On conduit à gauche à Malte ?

Je devais rejoindre un hôtel situé dans une ville appelée Floriana « c’est juste avant d’entrer dans La Vallette », m’avait dit le loueur de voitures, « vous ne pourrez pas le louper » (mais je n’étais pas non plus censé louper la ligne jaune sur le trottoir, n’est-ce pas ?), en conduisant une voiture où tout était à l’envers. Avez-vous déjà essayé de passer les vitesses d’une boîte mécanique avec la main gauche ? [Cette question s'adresse uniquement aux lecteurs droitiers non-britanniques]. Croyez-moi sur parole, c’est un must, spécialement la nuit, dans un pays étranger, alors que vous ne savez pas exactement où vous devez aller.

Par chance, les routes étaient pour la plupart à sens unique mais il y avait des ronds-points ! Oh me*de, à nouveau… est-ce que je dois prendre ce giratoire dans le même sens que chez nous ou dans l’autre sens ? Aucun panneau ne l’indiquait et, à l’évidence, les conducteurs autochtones avaient tous sournoisement décidé de ne plus emprunter cette route tant que j’y serais pour ne pas risquer de me servir d’exemple. Mais à rusé, rusé et demi ! Je me suis rangé sur le bas-côté jusqu’à ce qu’une voiture veuille bien arriver et qu’elle prenne le rond-point… à l’envers bien sûr, dans le sens des aiguilles d’une montre !

Une demi-heure et quelques erreurs de trajet plus tard, j’ai fini par arriver à la ville. Ah chouette, voici l’enseigne de l’hôtel ! Tout heureux, j’ai tourné à gauche dans sa direction en cherchant des yeux une place pour me garer. Vous savez, les policiers sont très polis par ici.

« Bonjour Monsieur, avez-vous remarqué que vous conduisiez sur le côté droit de la chaussée, juste avant de prendre cette route à sens unique dans le mauvais sens ? » demanda le policeman en me saluant. Je tâtonnai fébrilement sur ma portière pendant quelques secondes en cherchant le moyen d’ouvrir la fenêtre, ne réussis pas à trouver le bouton (c’était aussi une poignée mécanique), et finalement ouvris la porte et descendis sur la chaussée en m’excusant.

« Je suis désolé Monsieur l’Agent, je n’ai pas l’habitude de conduire à gauche et j’étais si content d’avoir enfin trouvé mon hôtel ! » Il me regarda avec un tel air de commisération que j’eus l’impression de l’entendre penser : ce pauvre garçon est français, et visiblement un peu limité. « – C’est bon, allez-y », me dit-il en me montrant une place de parking. « Dépêchez-vous, s’il vous plaît. »

Les amis, j’ai un jeu amusant à vous proposer : le jour où vous aurez l’occasion de conduire une voiture avec le volant à droite, essayez donc de vous garer en marche arrière sur une place de stationnement coincée entre deux arbres, alors qu’il fait nuit noire et qu’un policier vous surveille. Vous verrez, vous allez adorer. Mais bon, j’y suis arrivé. Ma valise à la main, je suis entré dans l’hôtel et me suis dirigé vers l’accueil, riant intérieurement en imaginant le récit que Jerome K. Jerome aurait pu tirer de mes tribulations.

(La Vallette, 7 février 2007)

Pise-aller

Pise
… À suivre !

Et voilà… la première partie de ma longue promenade s’est achevée à Pise il y a une semaine et me voici de retour chez moi.

Depuis mon départ il y a trois mois, bien des choses se sont passées. J’ai parcouru à pied un peu plus de 1.800 kilomètres et grimpé – et redescendu – environ 33.000 mètres de dénivelé. Et surtout, j’ai vécu intensément chaque journée, j’ai vu des endroits splendides et j’ai fait de belles rencontres.

Avec un smartphone, il aurait été beaucoup trop long de publier chaque jour sur ce blog les billets que j’ai écrits sur Facebook pendant mon périple mais ils sont désormais tous accessibles ici.

Les événements de ces derniers mois ont montré que rien n’était acquis et qu’il était hasardeux de faire des prédictions, « surtout quand elles concernent l’avenir », mais si tout va bien je repartirai de Pise l’an prochain, sans doute au début du mois de mai, pour effectuer la seconde partie de ce voyage à pied jusqu’à Syracuse.

Donc… à suivre !

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