De Sainte-Marine à Beg Meil

Tour de Bretagne [Étape n°52]

Fractales

Fractales (ensemble de Mandelbrot)

Le début de l’étape d’aujourd’hui, une fois passé le Pont de Cornouaille qui enjambe l’Odet, au nord de Sainte-Marine, à l’ouest, et Bénodet, à l’est, a ressemblé au début de l’étape d’hier. J’ai suivi un sentier sinueux qui, avec des tours et des détours, fait le tour de l’estuaire de l’Odet puis contourne la « Mer blanche ».

Tandis que je marchais le long des boucles de ce sentier, mon esprit, lui aussi, vagabondait. Je me disais que la côte de Bretagne, avec ses détours multiples, est une parfaite illustration des fractales : les circonvolutions du chemin s’enrichissent de multiples digitations, les petits détours se multiplient autour des moyens détours, qui eux-mêmes… Et c’est ainsi qu’on longe la côte pendant des heures ou pendant des jours pour atteindre un endroit qui, à vol d’oiseau, ne se trouve qu’à quelques dizaines ou à quelques centaines de mètres du point de départ.

Après Bénodet, une longue dune s’étend jusqu’à la pointe de Mousterlin, à cinq kilomètres à peine à vol d’oiseau. Pas question d’accéder à cette dune toutefois car entre elle et le rivage proprement dit se trouve la « Mer blanche ». C’est une étendue d’eau presque fermée qui communique avec le grand large, à son extrémité ouest, par un étroit goulet d’à peine une trentaine de mètres de large mais pourtant infranchissable.

Lorsque je suis arrivé à ce goulet, la marée descendante précipitait vers la grande mer un véritable torrent d’eau salée qui interdisait le passage au randonneur habillé et aurait sans doute été dangereux pour le baigneur assez téméraire pour essayer de le franchir.

J’ai donc fait le tour. J’ai marché en fractales, plus ou moins près de la côte au gré du chemin, jusqu’à 13 heures environ. Comme hier, j’ai trouvé un talus ombragé pour casser une petite croûte et faire 20 minutes de sieste avant de repartir pour une après-midi de marche sur le sable des dunes et des plages, plus ou moins en ligne droite, enfin. La ligne droite, c’est aussi des mathématiques, après tout.

De Loctudy à Sainte-Marine

Tour de Bretagne [Étape n°51]

Viva la birra !
J’écris ces lignes dans une pizzeria très originale, assis sur une chaise métallique devant une grande table allongée au plateau de bois entourée de 12 chaises. Je suis arrivé le premier et suis seul pour le moment. Les deux grands garçons barbus qui tiennent le restaurant ne chôment pas car ils font aussi beaucoup de pizzas à emporter

C’est un resto « branché » et néanmoins sympathique, dont le côté désorganisé a probablement été minutieusement étudié. Ici, chacun s’installe où il veut, choisit et met ses couverts et se sert à boire selon ses souhaits. J’ai pris une « Birra Moretti alla Toscana » en attendant la pizza calzone que j’ai commandée (on ne fait pas soi-même les pizzas, mais c’est tout juste).

Sainte-Marine est située en face de Bénodet. C’est apparemment une station balnéaire très courue, il doit y avoir foule en été. L’arrivée dans la ville est précédée de la très longue « Plage du Sillon », environ 4 km de sable fin depuis la pointe de l’île Tudy. Lorsque j’y suis passé cet après-midi, de nombreuses personnes en maillot de bain se prélassaient au soleil tandis que leurs enfants jouaient à se faire peur avec les vagues.

Il faut dire que la journée a été incroyablement ensoleillée et chaude pour un mois d’avril. On se serait cru en juillet. J’ai marché en chemise, et à midi j’ai cherché l’ombre d’un sous-bois pour y déjeuner à l’abri des ardeur du soleil. Un tout petit coin qui ne payait pas de mine, à une dizaine de mètres du chemin, a fait mon bonheur malgré quelques ronces. J’ai bien profité d’une couche épaisse d’aiguilles de pin et de débris divers.

Le chemin vers Pont-Labbé, sur la rive droite de l’estuaire de la rivière qui porte le nom de la ville, était remarquablement beau. On longeait, de plus ou moins près, une eau très calme, à peine mobile, sur un chemin traversant des zones herbeuses ou de sous-bois dans cette belle lumière de printemps ensoleillé.

À Pont-Labbé, je me suis mis à la recherche de la rue Jean-Jacques Rousseau pour acheter le chargeur de téléphone cassé il y a deux jours, d’abord à l’agence Orange (déménagée), puis au magasin de téléphonie situé en face (fermé le jeudi…). J’ai donc dû me résoudre à aller jusqu’à un grand hypermarché situé en dehors de la ville et dans la mauvaise direction. Un détour d’une heure au total mais j’ai trouvé un chargeur !

L’après-midi, après la longue halte de midi (presque deux heures dont une bonne petite sieste et l’observation des oiseaux à la jumelle), j’ai marché dans des endroits un peu moins agréables, parfois des sentiers boueux voire inondés, parfois le long de petites routes à la circulation néanmoins soutenue, pour arriver finalement à la longue « plage du Sillon » puis à la ville.

Mais j’arrête là car, après la pizza calzone, ce sont mes trois boules de glace vanille qui viennent d’être servies. Bon appétit !

De Penmarc’h à Loctudy

Tour de Bretagne [Étape n°50]

Les trois phares de Penmarc'h
Les trois phares de Penmarc’h

J’avais choisi par économie une chambre d’hôtel ne donnant pas sur la mer (après tout, la mer, je la vois toute la journée…) ce que je n’ai pas regretté ce matin lorsque les premiers rayons du soleil m’ont réveillé. Eh oui, quand la mer est à l’ouest et qu’on lui tourne le dos, c’est vers le soleil levant qu’on regarde ! Un soleil levant aussi magnifique, cela voulait dire un ciel dégagé et en effet, pendant toute la journée, le temps a été splendide.

En passant la Pointe de Penmarc’h, j’ai franchi la dernière des quatre pointes qui marquent les extrémités du Finistère, dont la côte découpée en trident est si caractéristique de la Bretagne, tout au bout de l’Europe. Finistère, le lieu où la terre finit… Avant elle, la Pointe Saint-Mathieu, la Pointe de Pen-Hir au bout de la presqu’île de Crozon et la Pointe du Raz avaient chacune à leur tour marqué une sorte de bout du monde. Rien de tel ici toutefois car la pointe de Penmarc’h (prononcer  » Pain-Mare »), assez largement urbanisée, ne réalise en fait qu’une inclinaison progressive de la côte, dont l’orientation passe sur quelques kilomètres d’un axe nord-sud à ouest-est.

Et pourtant… à partir de cet endroit, le marcheur sur le GR 34 change de cap. À compter de ce point, il ne cessera plus de marcher vers l’est. La fin du chemin n’est pas encore là, certes, mais un tournant psychologique a été franchi.

À Penmarc’h, il n’y pas un mais trois phares, construits successivement au cours des siècles. La Tour à Feu (à gauche sur la photo) date du quatorzième siècle, le Vieux Phare du début du dix-neuvième et le Phare d’Eckmühl (à droite) a été inauguré en 1897. Le nom bizarre de ce phare, qui n’a rien de breton, fait référence au Maréchal d’Empire Louis-Nicolas Davout, prince d’Eckmühl.

On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Il en est parfois de même des étapes de randonnée. Sous un soleil éclatant tout au long de la journée, j’ai marché le long des plages (sur lesquelles les plaisanciers étaient déja nombreux, avec même quelques baigneurs – en avril !), le long des sentiers, pour arriver ce soir à Loctudy. L’hôtelier m’a aimablement prêté pendant une heure « le chargeur de téléphone d’Alexandre », ce qui devrait me permettre d’atteindre Pont-Labbé demain sans tomber en panne de gri-gri.

De Penhors à Penmarc’h


Tour de Bretagne [Étape n°49]


Prise

Ce matin, lorsque j’allais partir, mes hôtes m’ont prévenu qu’il n’y aurait aucun point de ravitaillement jusqu’à Penmarc’h et m’ont offert plusieurs morceaux d’un pain qu’il venaient de sortir du four. C’était d’autant plus gentil et élégant de leur part que je n’avais pas pris de petit-déjeuner chez eux.

Hier soir déjà, ils avaient cherché à m’aider à recharger mon téléphone. La prise de mon chargeur est en effet cassée, ce qui va m’obliger à ménager la batterie tant que je n’aurai pas trouvé un magasin où en racheter une. Plus d’enregistrement de ma trace GPS donc, et si possible pas de communications téléphoniques, sans doute jusqu’à Pont-Labbé.

Ce genre d’incident montre l’importance de ne pas faire dépendre son orientation sur la seule électronique, même si, sur le GR 34 hyperbalisé et avec la mer à main droite, les risques de se perdre sont à peu près nuls. Leçon sans frais, mais leçon quand même.

Je suis donc parti, à nouveau, pour une marche fatigante sur les galets de très longues plages exposées à un vent presque aussi violent qu’hier. Arrivé à Plovan, c’est avec plaisir que j’ai dû m’éloigner du bord de mer pour éviter les étangs de Kergalan et de Trunvel, direction la Chapelle de Saint-Vio. Celle-ci était évidemment fermée mais m’a offert l’abri de ses murs extérieurs pour y déjeuner du pain offert ce matin et d’un morceau de saucisson.

J’ai ensuite rejoint la Pointe de la Torche par de jolies petites routes goudronnées, d’autant plus agréables que vides de voitures. Une dernière longue plage à traverser, mais de sable celle-ci, et j’étais à Penmarc’h. Il paraît qu’à partir de demain le temps va se mettre franchement au beau. On verra.

D’Audierne à Penhors


Tour de Bretagne [Étape n°48]


Grève de galets avant Penhors
Grève de galets avant Penhors
Un vent violent souffle sur la Baie d’Audierne. Par dessus la clôture du jardin où il soigne ses rosiers, un vieil homme m’explique que c’est souvent le cas ici, même quand il fait beau. La faute à l’exposition vers l’ouest et face au grand large.

Ce vent permanent et la nature du terrain – le plus souvent de longues grèves de galets – rendent la marche difficile en bord de mer. Du coup, les détours vers l’intérieur rendus nécessaires par les marais (palud en breton) et les étangs qui rejoignent de loin en loin le rivage en deviennent d’agréables échappatoires où l’on chemine plus facilement, sur des sentiers ou des petites routes désertes.

C’est sans doute aussi à cause du vent incessant qu’il y a si peu de maisons le long de cette côte désolée, réputée pour ses naufrages et, à tort ou à raison, pour ses naufrageurs.

Le bourg de Penhors est situé à quelques centaines de mètres de la côte, sur un plateau, sans doute là encore pour se protéger du vent. Ce n’est pas là que je dormirai ce soir mais dans l’hôtel situé sur le port. Un petit port où une vingtaine de bateaux sont amarrés ce soir, bien protégés du vent violent et des vagues par une digue, comme je le serai moi-même par les murs de l’hôtel. Il y a des soirs où l’on est particulièrement content de ne pas être exposé à la force des éléments.

Licence Creative Commons    Lignes de Fuite - 2010