Peindre l’Alzheimer : William Utermohlen
- Publié le Vendredi 11 mars 2011
- par Serval
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La mort de l’actrice Annie Girardot a récemment attiré l’attention du public sur la fréquence croissante de la maladie d’Alzheimer, maladie neurodégénérative qui touche plus de huit cent mille personnes en France.
J’ai assisté il y quelques années, lors de la présentation du Plan Alzheimer 2008-2012, à une exposition organisée à la Cité des Sciences de Paris par l’association France Alzheimer. Elle était consacrée aux oeuvres peintes au cours des dernières années de sa vie par l’artiste américain William Utermohlen, décédé de la maladie en mars 2007.
Blue Skies date de 1995. William Utermohlen a alors 62 ans. Il vient d’apprendre qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer.Une telle annonce est évidemment dévastatrice. L’artiste se représente prostré, assis devant une table de son atelier. Le temps paraît suspendu. Une espèce de grand vasistas est ouvert dans le toit, juste au-dessus de sa tête. La vaste ouverture laisse apparaître un ciel de la même couleur bleu nuit que son pull-over et que le sol de la pièce dans laquelle il est assis.
C’est à un ciel vide, dans lequel aucune étoile ne luit, que cette ouverture donne accès tel le trou béant par lequel il sait que son esprit va progressivement s’échapper.
Ce tableau est un tournant dans l’oeuvre d’Utermohlen. À partir de ce moment, il va essayer de comprendre la maladie dont il est atteint et, peut-être, de l’apprivoiser, en se peignant lui-même tel qu’il se voit et tel qu’il reste capable de se représenter. Ses autoportraits successifs, de 1995 à 2000, accompagnent son enfoncement irréversible dans la démence.Malgré la perte progressive de sa mémoire, l’apparition de troubles de la parole et d’une confusion tempo-spatiale, malgré la difficulté croissante à reconnaître les gens et les objets y compris ses propres outils de peintre, il continue à peindre aussi longtemps qu’il le peut.
Ses toiles révèlent les sentiments qui s’entrechoquent chez l’artiste aux prises avec une maladie qu’il n’a aucun espoir de vaincre : la colère, la détresse, l’abattement, la résignation. Au fur et à mesure que la maladie progresse, ses tableaux se modifient. Leur taille diminue, leurs détails deviennent de plus en plus imprécis et leur trait de plus en plus épais.Le dernier tableau de William Utermohlen, « Head, August 30 » a été peint le 30 août 2000.
Il ne sera plus jamais capable de tenir un pinceau jusqu’à son décès, en Mars 2007.On estime à trente millions le nombre de personnes dans le monde actuellement atteintes de la maladie d’Alzheimer. On prévoit qu’elles seront environ trois cent millions en 2050 si une prévention ou des traitements vraiment efficaces n’ont pas été découverts d’ici là.
Il n’est probablement pas inutile de souligner que le mot « elles » inclut un certain nombre d’entre nous.
Dominique CORTI-BA
J’ai accompagné dix ans durant ma mère, qui vient de s’éteindre comme une bougie qui n’a plus de cire, épuisée et en douceur.
J’ai traversé avec elle, en déni complet, l’effilochage des souvenirs puis de la personne.
Ce que cette peinture raconte, je l’ai lu dans les transformations progressives de ma communication avec elle.
Pendant une longue période, deux à trois ans, elle était constamment en demande de caresses, et en donnait à qui les acceptaient. J’en ai bien profité ! Enfin une maman câline…
Errance parisienne | PerrUche en Automne
[...] publie cette note un peu oublié grâce à serval et au radar (je le remercie car j’ai replongé avec bonheur dans le son des [...]
Lignesbleues
connaissez-vous les autoportraits d’Hélène Schjerfbeck ?
Serval
(grand sourire) Oui, très bien.
Quotiriens
Cette description me rappelle les films en accelere sur la decrepitude d’une depouille animale, jusqu’a la poussiere.