Harmonie
- Publié le Vendredi 14 janvier 2011
- par Serval
8 commentaires
Traversée Nord-Sud, étape n°13 : Molliens-Dreuil -> Poix-de-Picardie (Di 10/10/2010)
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud.
Mes jambes avalent les kilomètres aujourd’hui. Elles font leur travail toutes seules, en rythme et sans peine. Elles gravissent la petite côte sans que j’y prête vraiment attention, me font traverser le village de Saint-Aubin-Montenoy et redescendre de l’autre côté de la colline après un bref regard en arrière. Devant moi, la route descend un peu puis remonte en pente douce. Une rangée d’éoliennes se découpe sur le ciel bleu, au faîte d’une ondulation de terrain. Il fait beau, il fait clair, l’air est vif et transparent. Je réalise soudain que je me sens parfaitement bien.
C’est comme une révélation qui n’a rien de mystique : en cet instant précis, en cet endroit précis, seul sur cette petite route de campagne, je me sens pleinement heureux. Fugace sensation. Au bout d’une poignée de secondes, pas même une minute, dès que je m’en rends compte en fait, ce sentiment de pur bonheur, de pleine joie de vivre, s’estompe. Il se délite, il s’éloigne, laissant la place à une « simple » sensation de bien-être.
Le moment de plénitude est passé. Il est parti, mais il a été là, et des moments comme celui-là valent toutes les fatigues, tous les déluges, toutes les courbatures, toutes les ampoules du monde. Je ne sais pas pourquoi c’est arrivé à ce moment-là et en cet endroit. La petite voix rationnelle qui me quitte rarement est déjà revenue, elle chuchote « endorphines » et elle a peut-être raison, mais je n’ai pas envie de l’écouter et, de toute façon, peu importent le pourquoi et le comment. Ce qui compte c’est que cette sensation merveilleuse et fugitive de communion parfaite avec le monde m’ait rendu visite, que je sois capable de me la rappeler, et que je sache qu’elle reviendra, un de ces jours.
lignesbleues
une forme d’autoportrait (triangulations…) : une après l’autre, ces notes « pointillistes », ces instants de déambulations qui ne sont, nous le savons tous bien, que des prétextes, dans lesquels chacun projette ses propres souvenirs, ses sentiments (n’ayons pas peur du mot). Des traces que l’on n’a pas envie de perdre, sans être sûr qu’on les partagera, peu importe le moyen, moleskine, tickets de métro
, appareil photo… ou que l’on assemblera d’une toute autre façon, après. Ce qui reste quand on a, croit-on, tout oublié, et qui brutalement resurgit, sans prévenir.
Lascaux ou Platon ? Mais nous sommes peut-être un peu loin du sujet. Les torches grésillantes, je sens leur odeur de résine ou de suif et de fumée aussi.
Quotiriens
Lascaux impudique et désacralisé, en plein écran et sous les projecteurs, où les sur-représentations de mois (moi au pluriel…) ne sont plus valorisés par les ombres qui leur donnaient vie à la lueur des torches grésillantes.
Quotiriens
Un moleskine bien sûr.
un promeneur
… et sur le carnet « prendre note », pouvant signifier une intention musicale. Mais l’époque est bien davantage aux images, aux icones, à cette impression de soi qu’on projette sur le « mur » (Facebook) de l’autre. Lascaux revient.
Lignesbleues
oui
Quotiriens
Vous avez raison, peu importe la formule (harmonie=endorphine+température vivifiante+horizon clair+échauffement musculaire+vue dominante+…à l’infini…). Ce qui importe vraiment, c’est la surprise de l’instant où tout concorde et la notion que cela peut arriver, toujours par surprise. Attendre sereinement le moment où l’harmonie vous surprend.
un promeneur
et en garder trace (écrite ?), savoir ainsi que ça reste possible.
Serval
Oui. D’où l’importance du petit carnet + stylo toujours en poche. Le billet d’aujourd’hui est la retranscription presque inchangée des notes écrites sur le champ — et sur mes genoux — assis au bord de la route à l’endroit où la photo a été prise.