De Borcastel à Pouldon

Tour de Bretagne [Étape n°66 - Belle-Île 2/3]

aiguilles
Les Aiguilles de Port-Coton

Comme souvent en bivouac, je me suis réveillé plusieurs fois pendant la nuit mais à chaque fois je me suis très vite rendormi après avoir simplement changé de position. L’association duvet + sursac m’a permis de ne pas avoir froid alors que j’avais laissé les ouvertures de la tente grandes ouvertes. J’avais craint hier soir d’être gêné par la lumière du phare des Poulains qui traversait la paroi translucide de la Plexamid, mais cela n’a pas été le cas.

J’ai le plaisir de voir au matin qu’il n’y a pas la moindre ébauche de condensation sur la toile. C’est sans doute dû en partie au fait d’avoir gardé la tente ouverte, probablement aussi à mon choix d’un site de bivouac un peu éloigné de la mer et sous le couvert des arbres. De fait, alors que le sol de la minuscule pinède où j’ai dormi était parfaitement sec, il suffira que je me rapproche de la mer pour marcher sur un sol détrempé.

Il fait très beau : le ciel est bleu, il n’y a pas un nuage et pratiquement pas de vent. Il ne fait pas chaud, en revanche, et la doudoune n’est pas de trop pour marcher. Parti peu après huit heures, je me dirige d’abord vers le hameau de Kerguec’h avec l’espoir d’y demander de l’eau, mais un dimanche matin à cette heure-là il n’y a que les chiens qui soient réveillés lorsque j’y arrive (certes, avec le raffut qu’ils font à mon passage, il est probable que leurs maîtres le sont aussi lors que j’en repars…)

Jusqu’à Donnant, la marche est facile, essentiellement sur de la lande, avec seulement deux ou trois descentes/ montées. À Donnant, je n’ai plus d’eau. Je décide alors de remonter vers le bourg, à 700 mètres, car la carte IGN indique là-bas la présence d’une fontaine. Macache. Il n’y a là qu’un trou boueux au fond d’un amas de ronces. Heureusement, dans le village, un homme courageux s’est levé tôt pour planter des crocus dans son jardin, ce qui me permet de lui demander de remplir ma bouteille d’un litre et également, par prudence vu la rareté des points d’eau sur l’île, ma Platypus de secours.

Marie-Galante
Le restaurant « La Marie-Galante » était ouvert…
Je repars ainsi alourdi de près de trois kilos et demi, mais l’esprit nettement plus léger. Qu’on se rassure, cette honteuse entorse à la MULitude est vite punie, lorsque deux heures plus tard je passe à Goulphar devant le restaurant « la Marie-Galante »… qui est ouvert !

À partir de Donnant, c’est beaucoup plus sportif. Ça descend et ça remonte à chaque plage, à chaque crique, à chaque ruisseau, avec souvent peu de terrain plat entre deux. Mais les paysages sont magnifiques, la mer s’élance sans cesse à l’assaut de la côte découpée, formant des anses abruptes et des rochers ciselés, comme les célèbres « Aiguilles de Port-Coton ».

La dernière heure de la journée est un peu rude, ce qui m’amène à quitter le bord de mer à 17 heures pile pour me diriger vers une zone repérée sur la carte qui paraît être un petit bois. Et de fait, banco, c’est bien un bosquet, d’ailleurs récemment livré aux bûcherons, au sein duquel je trouve un coin pas trop difficile à débarrasser des branches cassées ou coupées. Comme hier, je vais dormir sur un moelleux tapis d’aiguilles ! Toilette complète, dîner, écriture de ces mémoires, et dodo !

gobelait fermé
gobelait ouvert
En parlant de dîner, un petit mot technique : au lieu d’une popote de 600 ml comme d’habitude, j’ai choisi d’emporter une popote de 300 ml en titane, très légère et dont le volume est suffisant pour faire chauffer de l’eau.

Je l’ai transportée dans deux « gobelaits » (des culs de bouteilles de lait) emboîtés servant de bols, pour un poids total inférieur à cent grammes. C’est pratique à transporter et séduisant en théorie, mais une fois qu’on a mis des aliments – disons,au hasard, de la purée – dans un gobelait, les rainures de celui-ci empêchent de le récurer correctement et on est obligé de ranger la popote dans un récipient mal nettoyé.

J’ai trouvé une parade provisoire en protégeant la popote dans un sac ziploc, mais ce qui est parfait pour ne faire que du café ne l’est donc pas vraiment lorsqu’il s’agit d’y mettre de la nourriture cuisinée. Un point à améliorer, donc.

Du Palais à Borcastel

Tour de Bretagne [Étape n°65 - Belle-Île 1/3]

Le phare des Poulains au loin
Le phare des Poulains, au loin…

Réveil à sept heures, lever sans me presser, départ à huit heures et demie. J’ai prévu de faire ce tour de Belle-Île dans le sens anti-horaire. Il fait un temps superbe avec un soleil radieux. Un passage à la boulangerie me permet d’acheter un croissant et un pain aux raisins (je ne me refuse rien) et de discuter le bout de gras avec la boulangère. Elle est elle-même férue de randonnée, mais elle n’a pas encore eu l’opportunité de faire tout le tour de son île.

Pour bien commencer la journée, je me trompe immédiatement de chemin en suivant le port jusqu’à l’autre côté du débarcadère, ce qui m’oblige à revenir sur mes pas avant de pouvoir traverser la citadelle Vauban et de sortir de la ville. Première constatation : je ne suis pas en grande forme physique, et j’ai du mal dès que le chemin monte un peu. Il n’y a pourtant pas de longues côtes, mais ça monte et ça redescend sans arrêt, en « casse-pattes », et certaines pentes sont vraiment très… pentues. Bon. Aujourd’hui, cela va donc être « chi va piano… va molto piano ».

Une jolie petite plage
Vers 10h30 je fais une pause sur une petite plage au fond d’une crique. Au moment où je vais m’engager à nouveau sur le chemin raide et étroit qui repart de la plage, une jeune randonneuse arrive avec un reflex autour du cou. Je m’arrête et lui propose de passer devant car « elle ira sûrement plus vite que moi ». Elle accepte avec une légère hésitation, et je réalise après coup qu’elle avait peut-être dans l’idée de s’arrêter un peu pour prendre des photos de cette jolie crique.

Un peu plus tard, je la rejoins alors qu’elle est assise au bord du chemin en grignotant un morceau. Je m’excuse de lui avoir mis la pression un peu plus tôt, on discute et on repart ensemble pour un bout de chemin.

Juliette fait elle aussi le tour de Belle-Île, mais en quatre jours et dans le désordre car elle ne bivouaque pas et n’a trouvé d’endroits où se loger qu’au Palais et à Bangor. Elle a marché hier du Palais à Locmaria d’où elle est retournée en stop à son hôtel du Palais, elle compte aller aujourd’hui jusqu’au phare des Poulains et retourner ensuite au Palais, également en stop, et c’est toujours en stop qu’elle compte aller demain à Locmaria pour en repartir en direction de Bangor.

Quand je lui dis que je vais bivouaquer, elle s’étonne de la petite taille de mon sac et me pose des tas de questions. Je lui parle de la randonnée légère, de ce blog et du forum randonner léger où elle me dit qu’elle ira jeter un œil, et je déballe mon sac sur le bord du chemin pour lui montrer mon matériel. On se quitte au bord de la ria de Sauzon où je m’arrête à mon tour pour déjeuner et faire une petite sieste.

Une fois de l’autre côté de la ria, je profite que les toilettes du port de Sauzon soient ouvertes pour y remplir mes bouteilles avant de me diriger vers la pointe des Poulains. J’ai bien fait d’être prudent car les toilettes de l’Espace Sarah Bernhardt sont fermées, comme est fermé le musée construit dans ce qui fut auparavant un fort, puis la maison de l’actrice.

À partir de la Pointe des Poulains, on passe du côté de l’île exposé au large et en quelques centaines de mètres la mer change du tout au tout. Calme jusque-là, elle devient très agitée alors même qu’il n’y a pas un poil de vent. Le sol, en revanche, est nettement plus plat et régulier. C’est de la lande avec juste quelques « casse-pattes » de 20 ou 30 mètres pour ne pas perdre la main – enfin, les jambes – mais sans plus.

Un endroit parfait pour planter sa tente
Un endroit parfait pour planter sa tente
À Ster Vraz, le spot de bivouac où mes collègues de RL ont passé la nuit ne me plaît pas. Je comprends qu’ils l’aient choisi car il peut accueillir une petite troupe, mais cet espace dégagé à proximité immédiate de la mer me paraît trop exposé au vent et à l’humidité.

Je continue mon chemin et m’enfonce dans les terres d’environ deux cents mètres, ce qui est suffisant pour trouver un excellent site de bivouac dans une toute petite zone plantée d’un vingtaine de pins dont les aiguilles recouvrent le sol d’un tapis moelleux. J’espère que l’endroit permettra d’éviter les ennuis décrits par mes récents prédécesseurs qui se sont retrouvés trempés au matin. Je saurai cela demain.

Aux marches du Palais

Tour de Bretagne [Interlude]

Arrivée nocturne au Palais
Arrivée nocturne au Palais

Plus de six mois se sont écoulés depuis qu’à Auray j’ai repris le train pour Montparnasse… Entretemps, j’ai randonné sur quelques longs week-ends, j’ai remplacé une partie de mon matériel, j’ai passé beaucoup de temps sur le forum randonner-léger (RL), et j’ai commencé à réfléchir sérieusement à la longue marche que je prévois de faire en 2020 entre Paris et Syracuse.

Un participant du forum RL m’a donné l’idée de faire le détour de Belle-Île, où je n’avais pas envisagé d’aller lorsque je suis passé par Quiberon l’été dernier. J’ai donc ajouté le tour de l’île à ce nouveau tronçon de mon Tour de Bretagne, envisageant de le faire en sa compagnie et en celle de quelques autres marcheurs ultra-légers. Le décalage entre les calendriers scolaires de Bretagne et de l’Île-de-France ne l’a pas permis ; ils sont partis la semaine dernière et ont relaté quatre journées très agréables et trois nuits très humides.

Malgré leurs conseils, j’ai décidé de ne pas emporter ma tente double toit Power Lizard (neuf ans et toujours d’attaque) mais de prendre le risque de l’humidité en étrennant la tente simple toit Plexamid achetée récemment.

Depuis Montparnasse, j’ai rejoint Auray en deux heures et demie, inconfortablement coincé entre un voisin de gauche obèse et un voisin d’en face aux longues jambes. Ensuite, une petite heure de car jusqu’à Quiberon où j’ai pu attraper le bateau de 19h00 pour le Palais. Le soleil se couchait quand le bateau a quitté Quiberon, il faisait nuit en arrivant à Belle-Île. Depuis la mer, on voyait de loin les lumières du Palais, en face, et de Sauzon, plus à droite. Encore plus à droite, le phare des Poulains. À gauche, une lumière rouge qui devrait être celle du phare de la Jument.

Il ne faisait pas froid, mais pas bien chaud non plus. J’ai bien supporté, sur le pont supérieur, l’association micropolaire + doudoune + coupe-vent.

Dîner dans une crêperie sympathique, puis repli dans la chambre d’hôtel réservée il y a une semaine ; simple, propre et pas chère, parfait pour une bonne nuit en prévision des kilomètres à venir.

De Locmariaquer à Auray

Tour de Bretagne [Étape n°64]

Le long de la rivière d'Auray
Le long de la rivière d’Auray. Dans quelques kilomètres, le TGV… (snif)

Je n’aime pas ces dernières demi-étapes qui finissent habituellement mes randonnées de plusieurs jours. C’est encore la rando, mais ce n’est plus la rando. Il y a un train à prendre, un horaire à respecter, l’esprit ne réussit pas à rester dans l’état de légèreté où il se trouvait les jours précédents.

Même si, aujourd’hui, les premiers kilomètres de ce retour at home longeaient le Golfe du Morbihan, magnifique à marée haute et me donnant envie de revenir pour la suite, c’était un nouveau petit deuil à faire… jusqu’à la prochaine fois. À bientôt donc !

De Carnac à Locmariaquer

Tour de Bretagne [Étape n°63]

Le port de la Trinité-sur-Mer
Le port de la Trinité-sur-Mer

Chloé, la fille de mon ami Marc, habite à La Trinité-sur-Mer. J’avais donc promis de passer la voir, mais sans vouloir y passer la nuit malgré son insistance. Je suis donc allé ce matin lui faire la bise, avaler un copieux petit déjeuner tardif en sa compagnie, et prendre une douche.

Chloé habite dans une petite rue dont je tairai le nom. Quand j’ai demandé le chemin pour m’y rendre, la dame à qui je m’adressais m’a répondu d’un air méfiant : « Hum, c’est la maison des Le Pen que vous cherchez ? » avant de m’indiquer d’un doigt dédaigneux que nous étions à 50 mètres du coin de ladite rue. Effectivement, mon amie m’a confirmé que sa maison est située presque en face de celle du politicien, mais je n’ai pas fait de mauvaise rencontre.

Dans l’après-midi, j’ai quitté temporairement le GR34 qui remonte directement vers Auray pour continuer à suivre la côte jusqu’à Locmariaquer. Pas facile de progresser dans ce coin. Les sentiers, à plusieurs reprises, débouchent inopinément sur des portails fermés, voire sur des ponts privatisés ! J’ai fini par décider de ne pas voir le panneau de sens interdit placé sur un portail grand ouvert pour suivre une route allant dans la bonne direction, mais ai été rapidement « rattrapé par la patrouille », enfin par la fermière, propriétaire des lieux, qui m’a indiqué que la route était privée, qu’elle allait vers SES champs et SES vaches, et que je devais faire demi-tour. Elle a eu l’air à peine désolée quand le chien qui l’accompagnait m’a mordillé le mollet pour insister sur l’inconvenance de ma conduite.

Quelques kilomètres de détours plus tard, je suis arrivé à Locmariaquer pour la dernière nuit avant le retour à mes pénates, nuit prévue à l’hôtel de longue date pour redonner au vagabond que je serai devenu la figure présentable et l’aspect si distingué qui me caractérisent habituellement, avant le retour en train et les retrouvailles familiales demain.

Eh oui. Demain. Déjà.

Locmariaquer
Arrivée à Locmariaquer. En face, Port Navalo.
Pour y arriver, il me faudra faire tout le tour du Golfe du Morbihan

De Quiberon à Carnac

Tour de Bretagne [Étape n°62]

La Côte Sauvage
La Côte Sauvage

Longue étape en vue aujourd’hui car je voudrais faire le tour de la presqu’île et aller jusqu’à Carnac. La côte ouest de Quiberon, côté océan, en dessous de Penthièvre, est ce qu’on appelle La Côte Sauvage.

Clôtures et allées
Des clôtures, des fils de fer, des allées
bien entretenues… Bah.
Cette côte est effectivement très belle, avec des airs du Cap Fréhel mais, à dire vrai, il y d’autres portions de côte tout aussi splendides un peu partout sur le littoral breton qui ne sont pas gâchées comme ici par l’aménagement systématique des chemins. Ceux-ci sont balisés, entourés de fils de fer empêchant qu’on s’aventure en dehors des zones autorisées et qu’on empiète sur la lande. C’est évidemment tout à fait compréhensible et justifié étant donné le nombre de promeneurs qui passent ici mais ce n’est vraiment pas ce que je recherche en rando.

Par Toutatis, un menhir !
Par Toutatis, un menhir !
Et j’ai dormi juste à côté !
Une fois arrivé en bas de cette côte ouest, j’ai donc cessé de suivre le littoral. Au lieu de remonter par la côte est, j’ai coupé aussi directement que possible vers le nord, en suivant sensiblement la ligne du « Tire-bouchon », le train touristique de Quiberon. Guère d’intérêt certes, mais au moins je suis plus rapidement sorti des foules de touristes…

Je suis repassé devant mon bivouac précédent vers 17 heures et ai continué jusqu’en haut de la presqu’île avant de me diriger vers l’est et Carnac en longeant la côte.

J’ai trouvé un bivouac peu avant l’entrée de la ville, non loin d’un menhir (à Carnac, c’était bien le moins) et hop ! Dîner, extinction des feux, à demain.

De Plouhinec à Quiberon

Tour de Bretagne [Étape n°61]

Sur la rivière d'Etel
Sur la rivière d’Etel

Il a plu toute la nuit. J’ai néanmoins bien dormi au chaud et au sec ; ce sursac et cet abri forment un couple d’enfer !

Chaussettes mouillées dans des chaussures mouillées, finalement ça n’est pas si terrible que ça dès qu’on est réchauffé, et mes pieds tiennent bien le coup. Tiens, ça me fait penser que je n’ai absolument jamais eu mal aux pieds avec ces nouvelles chaussures basses et pas la moindre ébauche d’ampoules.

Quelques minutes après avoir quitté mon pommier, je rencontre un homme de la soixantaine qui promène son chien et qui m’aborde « en collègue ». Miguel est allé à Compostelle en 2010 depuis le Puy-en-Velay, en compagnie de son beau-frère qui a dû déclarer forfait à Saint-Jean-Pied-de-Port à cause d’une tendinite. Lui-même a continué jusqu’au bout, peut-être parce qu’il avait trouvé le moyen de n’avoir qu’un petit sac sur le dos et son gros sac dans une charrette bricolée. Recette non brevetée : fixez la roue d’un vélo d’enfant à un demi-wishbone de planche à voile, soudez celui-ci à une plaque d’aluminium achetée chez Leroy-Merlin sur laquelle vous attacherez le sac avec des courroies. Il ne vous restera plus qu’à tirer l’ensemble à l’aide d’un harnais de policier acheté sur le web. « Coût total, moins de 100 euros, et il n’y a eu besoin d’aucune réparation pendant tout le Camino, mis à part un seul changement du pneu ! » Ingénieux et visiblement efficace !

Ce matin encore, le GR34 reste à distance de la mer. Il emprunte des sentiers forestiers, des chemins de terre et des petites routes. Ce n’est pas désagréable mais quand même un peu monotone. Arrivé à la rivière d’Etel, je la franchis à Pont-Lorois et m’arrête sur sa rive droite pour déjeuner tout en regardant les travailleurs de la mer en action. Je profite aussi du retour du soleil pour faire sécher tente, chaussures et chaussettes. Un petit lavage + séchage des pieds complète les soins donnés au matériel. Résultat probant : les chaussettes sèches et les pieds propres et aérés ont décidé de coopérer pour que j’oublie que les chaussures dans lesquelles ils sont à nouveau emballés pour l’après midi restent bien humides.

Tout l’après-midi, je marche d’un bon pas en me trompant systématiquement de chemin à chaque bifurcation. Il y a des jours comme ça… À la Fontaine Sainte-Barbe, sous les regards de quelques promeneurs amusés, je lave à l’eau claire la partie supérieure du bonhomme et son T-shirt manches longues à capuche (très agréable à porter sous le soleil avec une casquette) puis m’engage sur la presqu’île de Quiberon.

En arrivant sur la presqu'île de Quiberon
En arrivant sur la presqu’île de Quiberon
Sur les deux ou trois premiers kilomètres de la presqu’île, il y a plein de jolis endroits pour planter sa tente… sauf que le bivouac est interdit sur les dunes et qu’il paraît qu’il y a des patrouilles. C’est rageant.

Ne le dites à personne, mais vers 19 heures, j’ai profité qu’il n’y avait personne en vue pour me glisser au sein d’un groupe serré de vingt ou trente arbustes buissonnants au sein desquels j’ai réussi à trouver un espace de 2 mètres sur 3 pour y monter l’abri. Chemin à 20 mètres, train touristique à 50 mètres (mais il ne devrait pas rouler la nuit), voie rapide à 100 mètres… mais je suis invisible, et avec mes bouchons d’oreilles, il m’est déjà arrivé de passer une excellente nuit dans le dortoir animé d’une auberge de jeunesse, alors… Good night folks.

De Lorient à Plouhinec

Tour de Bretagne [Étape n°60]

Le lavoir de Saint-Sterlin, parfaitement entretenu

Qu’on est bien dans un lit ! Ce matin, je n’avais vraiment pas envie de me lever et de repartir. Bien que réveillé vers 6 heures, j’ai traîné au lit et me suis d’autant moins pressé pour reprendre la route qu’il faisait un sale temps, ciel gris et petite bruine qui mouille. Nuit pluvieuse, matin pluvieux, c’était le bon jour (enfin la bonne nuit) pour dormir à l’hôtel…

Je suis quand même parti vers 8 heures, un dimanche c’est courageux, non ? Lorient est une ville très étendue, avec au moins trois ponts principaux espacés de plusieurs kilomètres. Le tour de la ville et de l’embouchure du Blavet prend trois bonnes heures, avec des passages très beaux avant et après le Pont du Bonhomme. Ensuite, le GR 34 suit des chemins et des petites routes peu fréquentées, mais pas de littoral aujourd’hui, je n’ai même pas vu la mer.

Depuis deux jours je marche sans bâton et je constate que je vais incontestablement plus vite ainsi. Le bâton unique donne un rythme, aide un peu dans les montées et stabilise dans les descentes et dans les chemins boueux, mais contrairement aux deux bâtons de la marche nordique, il ralentit plutôt le marcheur, me semble-t-il. En tout cas, c’est ce que je constate pour moi. Lorsque mon sac était lourd, il m’aidait bien. Maintenant, je n’en ressens plus le besoin.

Vers 13 heures, déjeuner dans un endroit charmant, hélas infesté de moustiques : un ancien lavoir, rénové et entretenu par un passionné, et décoré par ses soins.

Depuis le randonneur aux galettes de Pont-Aven, j’ai croisé beaucoup de touristes et de promeneurs, mais pas un seul randonneur. Cet après-midi, sur une route minuscule près de Kermorvan, un taxi (!!!) s’arrête à côté de moi. Deux jeunes femmes en sortent avec des sacs à dos aussi gros qu’elles. Ce sont deux allemandes qui randonnent en Bretagne. Elle étaient hier sur l’île de Groix et se font déposer là pour ne plus avoir que 15 km à faire à pied jusqu’à Plouhinec où elles ont réservé ce soir une chambre. On discute, on se sépare, on se retrouvera deux fois dans l’après-midi au gré de nos « pauses techniques » respectives.

En fin d’après-midi, il se remet à pleuvoir par averses drues successives. J’hésite à sortir la Gatewood Cape pour m’en servir comme poncho, mais à l’idée de devoir retirer les haubans qui se trouvent aux coins de la toile, puis ensuite replier celle-ci comme je pourrai, pour avoir ensuite une tente mouillée, je décide que ma veste de pluie toute neuve remplira sûrement très bien son office, et qu’il faut baptiser mon sac à dos étanche.

J’avais repéré sur Iphigénie, en mode photos, un coin tout vert paraissant OK pour le bivouac de ce soir. Mais hélas, il s’agit d’une zone de très hautes herbes, puis de fougères. Impossible d’y planter la tente. En revanche, en cinq minutes j’ai les pieds trempés. Chaussures basses non goretex, guêtres ou pas guêtres, visiblement c’est la même chose. Voilà un point où les chaussures à tige moyenne et en goretex que j’utilisais auparavant (des Lowa Renegade MID GTX) marquent un point.

Après un moment d’errance et de solitude humides qui me paraît très long, je finis par m’installer derrière une maison, en bordure d’un champ et sous un grand pommier dont les branches retombantes et fournies me cachent assez bien. Demain sera un autre jour…

De Guidel à Lorient

Tour de Bretagne [Étape n°59]

Quelques kilomètres avant Lorient
Quelques kilomètres avant Lorient

Quand je me réveille vers 5 heures et demie, il ne pleut plus, mais le sursac me paraît plus lourd que d’habitude et j’ai comme un poids sur les fesses… En fait, le mât est retombé sans que je m’en rende compte, et j’ai dormi sans souci, bien à l’abri dans le sursac et sous la toile de la tente effondrée. Je sors de là un peu ahuri et constate en effet qu’il a bien plu… mais à l’intérieur du sursac pas une goutte, et mon duvet est resté sec. Aux innocents les mains pleines !

Alors qu’il fait encore nuit, je relève donc une nouvelle fois la tente, que le vent resté fort sèchera en moins d’une heure tandis que je finis ma nuit. A 7 heures, je lève le camp.

Matinée assez monotone, à marcher sous les nuages bas et dans le vent jusqu’à Larmor Plage où j’arrive encore, comme par un fait exprès, au moment précis de l’ouverture d’un restaurant de plage. Comme j’ai besoin de me refaire une santé après ces émotions et que je n’ai jamais mangé de hamburger au rouget, plat du jour (pas mauvais du tout), je m’offre une pause.

L’après-midi, je rejoins Lorient en quelques heures, fais le tour de l’ancienne base de sous-marins, du musée sous-marin et du port et décide que j’ai bien mérité une nuit sous un toit, d’autant que je ne me vois pas planter la tente dans un jardin public de la ville. Va donc pour un hôtel cette nuit ! Une bonne douche chaude, un rasage bienvenu, ma lessive, des fils tendus partout dans la chambre pour faire sécher le linge et, après des moules marinières à la brasserie du coin, dodo à 19h30 ! Demain je redeviendrai sauvage mais ce soir, vive la civilisation !

De Kercarn à Guidel

Tour de Bretagne [Étape n°58]

L'embouchure de la Laïta
L’embouchure de la Laïta

J’‘ai passé une excellente nuit dans ce petit pré isolé et suis reparti vers 9 heures en longeant la côte jusqu’à l’anse de Doëlan dont j’ai fait le tour avant d’arriver à un autre fleuve côtier, la Laïta. Ce cours d’eau (dont le nom a une consonance étonnamment russe, je trouve) délimite la « frontière » entre le Finistère et le Morbihan. Ce soir donc, après avoir fait sur une quinzaine de kilomètres le tour de l’embouchure de la Laïta entre Le Pouldu et Guidel c’est dans le Morbihan que je planterai la tente, après 35 étapes finistériennes.

Une fois revenu sur le bord de mer, le chemin traverse les dunes, dans un paysage qui me rappelle le Nord et ces dunes autour de Leffrinckouke, entre la frontière belge et Dunkerque, où je suis passé il y a huit ans lors de la première étape de ma Traversée nord-sud de la France… Du sable, des oyats, et des blockhaus dans tous les coins, gris, sales et couverts de tags. Une humanité glauque déambule en petits groupes peu sympathiques, et il y a de-ci de-là parmi les herbes des seringues usagées et des papiers à colombins… Voilà qui me fait rapidement rejeter l’idée de chercher un abri pour la nuit dans un des blockhaus.

Pourtant, un abri en dur n’aurait pas été de refus ce soir car il y a beaucoup de vent et le ciel se couvre, laissant présager de la pluie pour bientôt. Il est déjà tombé quelques gouttes dans l’après-midi, rien d’abondant, mais ce soir cela semble plus sérieux. La présence de nombreux étangs rend difficile de s’enfoncer dans les terres et finalement, je trouve un coin à peu près correct et plat, à une centaine de mètres de la mer, et où je suis invisible depuis les blockhaus à junkies.

Il est près de 21 heures et je suis crevé. Sans réfléchir, je monte l’abri comme les jours précédents, en m’arrangeant pour que ce soit ma tête qui soit un peu plus haut que les pieds et avec le bâton réglé à 115 cm. Une semoule froide, un reste de Coca, dodo. Enfin, j’essaie. Le vent souffle bien, et il passe sous la toile de la tente, m’arrivant directement sur le sommet du crâne. Qu’à cela ne tienne, je sors mon bonnet du sac et l’enfile, et je place le sac à dos entre ma tête et la paroi. C’est mieux que rien. Sursac fermé, bouchons d’oreilles en place, ça devrait aller…

Ben non. Ca ne va pas du tout. J’ai réussi à m’endormir plus ou moins mais vers minuit je suis réveillé par le bâton qui vient de me tomber sur les jambes. Le vent a arraché la sardine du hauban principal et le mât s’est cassé la figure. Je me dis enfin que j’aurais intérêt à rapprocher la toile du sol en diminuant la hauteur du mât. Debout donc, et nouveaux réglages de la Cape dans le vent et sous les gouttes qui commencent à tomber. Avec une hauteur de 105 cm et des haubans replacés et retendus, la toile est collée au sol presque partout, cela va beaucoup mieux, et le vent ne passe plus en desssous. Plus de deux heures avant de penser à raccourcir le mât, ce n’est pas brillant… D’ailleurs même à ce moment-là je n’ai pas pensé que j’aurais dû réorienter l’abri pour que le vent n’arrive plus de travers, mais par l’arrière. En y réfléchissant le lendemain, je comprendrai qu’orienter l’ouverture de la tente vers l’est (ce qui permet de voir le lever du soleil, en plus), et donc l’arrière vers l’ouest (d’où vient le vent marin) serait doublement une bonne idée à l’avenir.

Enfin bref. Après quelques minutes d’efforts dans le vent, je réussis à fixer tout ça et replonge dans le duvet alors que les premières gouttes commencent à tomber. J’aime bien la pluie. Les gouttes sur la toile me bercent et je m’endors.

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