À pied, de Paris au Salento : Ombrie


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J 90 – Mardi 18 mai 2021
Montepulciano -> Castiglione del Lago (km 2.074)


Castiglione del Lago.

Arrivederci Toscana! Me voici en Ombrie et plus précisément ce soir à Castiglione del Lago, sur les rives du lac Trasimène, là où il y a plus de deux mille ans Hannibal infligea une terrible « pâtée » aux légions romaines. Pour arriver aujourd’hui à ce qui est régulièrement présenté par les gens du coin comme « l’un des plus beaux villages d’Italie », j’ai traversé des paysages étonnamment différents de ceux des derniers jours.

D’abord sur des sentiers, dans des zones encore un peu vallonnées mais plus boisées qu’hier et avec encore plus de vignes (n’oublions pas que c’est d’ici que vient le Chianti !). Ensuite sur des chemins d’exploitation séparant les parcelles des champs de céréales qui s’étendaient à perte de vue sur une vaste plaine… Pour un peu, je me serais cru revenu dans le Bassin parisien !

Le plus fastidieux a été la fin de journée, car pour atteindre Castiglione del Lago je n’ai pas eu d’autre choix que de marcher en ligne droite pendant cinq kilomètres sur le trottoir de la route régionale 45, avec en ligne de mire la Citadelle de la ville. Mais une fois arrivé à ladite citadelle j’ai été récompensé de ma patience car le panorama qu’on y découvre, sur le lac et sur les terres, est somptueux.

J 91 – Mercredi 19 mai 2021
Castiglione del Lago -> Agello (km 2.099)


Stefania et Daniele attendent le passage des coureurs.

Comme l’observation des cartes et des photos satellite l’avait laissé supposer, entre les zones marécageuses, celles à la végétation impénétrable et les propriétés privées, les abords immédiats du Lac Trasimène sont totalement inaccessibles au randonneur le plus motivé. Après avoir tenté quand même pendant une bonne heure de me frayer un chemin à la manière d’un sanglier, j’ai dû me rabattre sur le plan B : emprunter la piste cyclable « Grande Anello del Trasimeno » qui, comme son nom l’indique, fait le tour du Lac Trasimène en longeant les grandes routes.

L’ennuyeux, c’est que je n’avais pas prévu de plan C, parce que la belle piste cyclable indiquée sur les cartes n’existait visiblement en cet endroit que sous la forme d’un projet auquel on croit très fort… Il m’a donc fallu marcher, aujourd’hui encore, sur le bord d’une route assez fréquentée pendant plusieurs kilomètres, jusqu’à ce que la piste cyclable tant espérée apparaisse enfin à ses côtés, à hauteur de Panicarola.

J’ai alors laissé avec plaisir aux automobiles l’exclusivité d’une route étonnamment décorée de ballons roses en de multiples endroits. À partir de Sant’Arcangelo, des policiers montaient la garde à chaque carrefour et des voitures de police faisaient des allers et retour sur la route. J’ai fini par demander le pourquoi du comment à l’un des policiers qui m’a expliqué que le Giro allait passer là dans une heure.

Plutôt que de me trouver un coin tranquille dans la nature pour déjeuner, je suis donc allé m’asseoir à la terrasse du café/station-service de Stefania et Daniele, qui bénéficiait d’une vue imprenable sur la Strada regionale. Moi qui n’avais jamais assisté à une étape du Tour de France, je n’allais certainement pas laisser passer l’occasion de voir passer devant moi les cyclistes du Giro d’Italia ! Vous savez quoi ? Eh bien, ils vont drôlement vite, ces gars-là. En quelques secondes ils étaient passés.

J 92 – Jeudi 20 mai 2021
Agello -> Pérouse (km 2.120)


Arrivée à Pérouse, alors que le tonnerre gronde.

Une fois passés les cyclistes du Giro et leur immense caravane, je n’avais hier plus aucune raison de continuer à marcher sur la route malgré mon amour pour le bitume. Au lieu de suivre le chemin prévu et de continuer à longer, de trop loin à mon goût, le Lac Trasimène, j’ai donc pris le parti d’obliquer vers l’est pour une marche plus directe à travers les collines. Bien m’en a pris car j’ai alors agréablement suivi des chemins de campagne jusqu’à Agello où j’ai passé la nuit avant de poursuivre aujourd’hui ma route jusqu’à Pérouse où je suis arrivé cet après-midi.

Aujourd’hui comme hier, le ciel a obligeamment attendu que j’aie un toit au-dessus de la tête pour ouvrir les vannes. La pluie fine d’hier soir ne m’a pas gêné dans le petit village qui m’a servi d’étape impromptue : douche, lessive, dîner, la routine des soirées du marcheur au long cours m’a facilement occupé avant un coucher précoce.

Cet après-midi en revanche, j’ai été vraiment frustré que le tonnerre accompagne mon entrée dans une ville que j’avais prévu de visiter mais dont je n’aurai finalement pas vu grand chose en une petite heure de balade, avant qu’elle soit noyée sous la pluie pendant toute la fin de journée. Avec un peu de chance, j’en verrai quand même quelques jolis quartiers quand j’en repartirai demain pour rejoindre Assise. Espérons !

J 93 – Vendredi 21 mai 2021
Pérouse -> Assise (km 2.148)


La basilique Saint-François d’Assise.

Ce matin il faisait beau ! Comme espéré, j’ai pu en partant tôt prendre le temps de rattraper en partie la visite de Pérouse empêchée hier par la pluie. Ensuite, comme pour toutes les sorties de grandes villes, j’ai autant marché sur des trottoirs que sur des sentiers mais cela n’a finalement pas été désagréable, car très varié.

Je me suis longuement promené dans le dédale de pierres et de végétation du cimetière de Pérouse qui m’a beaucoup rappelé le Père-Lachaise ; j’ai longé le Tibre sur quelques kilomètres et ai pris mon petit déjeuner assis contre un arbre de ses rives (on associe évidemment le Tibre à Rome mais il faut bien qu’il coule aussi ailleurs… eh bien, il coule à Ponte San Giovanni) ; j’ai longé un autre fleuve, celui d’automobiles prises dans un embouteillage, avec je l’avoue un certain degré de « Schadenfreude » ; et, quelques heures plus tard, j’ai déjeuné d’un panino chaud en face de l’église de Bastia (Bastia Umbra, pas l’autre) sur la terrasse de la trattoria de Rosalia, originaire de Naples.

Ces pérégrinations diverses et joyeuses m’ont amené jusqu’à Santa Maria degli Angeli (où Saint François est mort en 1226) puis à Assise (où il est enterré). J’ai trouvé l’architecture de ces lieux très impressionnante et le fait que les visiteurs et pèlerins soient encore peu nombreux n’a pas été pour me déplaire.

J 94 – Samedi 22 mai 2021
Assise -> Sant’Eraclio (km 2.173)


Après avoir marché depuis la Suisse sur de longs tronçons de la Via Francigena et plus épisodiquement sur le Chemin d’Assise, je vais à nouveau arpenter pendant plusieurs jours un chemin de pèlerinage, la Via de Francesco qui relie Assise à Rome (d’où dans ce sens-là son autre nom de Via Roma) et qui est balisé par des marques jaunes et bleues.

Son trajet d’aujourd’hui était en outre commun avec celui du Cammino francescano della Marca (CFM) qui relie Assise à Ascoli Piceno (dans la province de la Marche, vous l’aviez deviné). Et pourtant, je n’ai aujourd’hui encore rencontré aucun randonneur… Est-ce que c’est à cause de la covid ou bien la saison est-elle encore trop peu avancée ?

En tout cas, les premières heures de cette étape ont été très agréables. À flanc de colline, le chemin a surplombé en balcon la campagne de la plaine sous-jacente avant de descendre vers la très jolie petite ville de Spello. Ensuite, le bitume est revenu à la charge mais mon principal souci du jour n’a pas été celui-là…

En descendant un chemin caillouteux très pentu, mon pied droit a glissé en avant, s’est tordu sur le côté et a violemment heurté des pierres. Je me suis un peu abîmé la cheville et étiré la cuisse sans gravité, mais surtout la semelle de ma chaussure s’est décollée sur le côté et son tissu déchiré sur une bonne dizaine de centimètres. J’ai fait une réparation de fortune avec du duct tape… et c’est alors que Saint François est intervenu (ça ne peut être que lui) en faisant apparaître quelques minutes plus tard, sur le bas-côté de la route où je venais d’arriver, des panneaux publicitaires pour la zone commerciale de Foligno, parmi lesquels figurait l’indication d’un magasin Decathlon !

Je me suis détourné illico du chemin prévu pour rejoindre cette zone commerciale et industrielle. Bitume et béton, béton et bitume… mais j’ai trouvé le magasin ! Et dans celui-ci j’ai trouvé mon modèle de chaussures, les Evadict MT2 – un modèle épuisé en France – et à ma taille encore ! Merci Saint-François ! En sortant du Decathlon, de l’autre côté de la route, il y avait un de ces hôtels pour VRP qui poussent dans ces zones commerciales. C’était parfait pour me remettre de mes émotions et y passer la nuit.

J 95 – Dimanche 23 mai 2021
Sant’Eraclio -> Spolète (km 2.199)


Spello.

Il m’a suffi d’à peine une heure pour rejoindre la Via di Francesco dont la zone commerciale où je venais de passer la nuit n’était finalement pas si éloignée. Il faut dire que pour gagner du temps je n’ai pas suivi les routes qui quadrillent ce quasi no man’s land mais suis parti en ligne droite directement vers la montagne, à travers des friches et des terrains vagues. Le fait que l’on soit un dimanche matin m’a sans doute donné moins de scrupules pour franchir quelques clôtures et portails cadenassés, mais chut ! Cela m’a en tout cas permis de m’assurer que malgré un hématome et des éraflures, ma cheville n’avait pas souffert de sa mésaventure de la veille.

J’ai ainsi rejoint le chemin en balcon de la Via di Francesco juste avant le village de Trevi, superbement perché sur une colline, dont les cafés ouverts sur la place centrale déserte semblaient attendre désespérément les clients. Il est vrai qu’il était huit heures et quelques un dimanche de Pentecôte… Espérons que ce soit la seule explication. J’ai ensuite marché pendant longtemps, sans penser à rien, la tête dans les nuages (même si le ciel était tout bleu) sur des chemins à flanc de montagne avant de redescendre en milieu d’après-midi dans la vallée pour atteindre ce soir Spolète.

Peu avant d’arriver à la ville, le cyclotouriste qui venait de me dépasser s’est arrêté pour me demander où j’allais, d’où je venais, etc. Il a bientôt été rejoint par son camarade de balades à deux roues. Salvatore et Giuseppe étaient partis depuis cinq jours pour effectuer une large boucle dans la région. Nous avons discuté assez longtemps de nos parcours respectifs, eux-mêmes étant des habitués du voyage à vélo, y compris en France, et avons évidemment immortalisé notre rencontre par un selfie.

J 96 – Lundi 24 mai 2021
Spolète -> Ceselli (km 2.220)


En repartant de Spolète.

J’avais prévu de me promener un peu dans Spolète ce matin et en particulier de visiter la Rocca Albornoziana, immense citadelle du 15ème siècle qui domine la ville. Pour que les visiteurs puissent commodément l’atteindre, la colline a été forée pour installer des ascenseurs et des escalators au sein de la roche.

C’est impressionnant mais comme le règlement que je me suis imposé depuis Paris m’interdit d’utiliser ces moyens mécanisés, je suis monté à pied par la route… pour découvrir une fois arrivé en haut que le bâtiment était fermé. Pour ne pas tricher non plus à la descente mais aller plus vite que par la route, j’ai pris les escaliers de secours intérieurs mais en suis sorti trop loin, en bas de la ville.

Je suis donc remonté jusqu’au pied de la citadelle pour rejoindre la Via di Francesco au Ponte delle Torre, qui franchit le ravin creusé par le torrent Tessino… pont qui était lui aussi fermé, obligeant à faire le tour via le fond de la vallée pour retrouver l’extrémité opposée du pont. En résumé, à dix heures du matin j’avais déjà dans les pattes sept kilomètres de marche et 500 mètres de dénivelé et je n’étais pas encore vraiment parti.

Je vous rassure : tout le reste de la journée s’est passé merveilleusement bien dans de beaux paysages de montagne, puisque le chemin montait aujourd’hui jusqu’à un peu moins de mille mètres. Je n’ai traversé aucun village, n’ai toujours rencontré aucun autre randonneur et me suis arrêté pour planter la tente de l’autre côté de la montagne, dans un pré bien plat après avoir rempli mes bouteilles à un torrent. J’ai même eu droit, pour finir la journée en beauté, à contempler la danse des lucioles une fois la nuit tombée.

J 97 – Mardi 25 mai 2021
Ceselli -> Piediluco (km 2.249)


Piediluco, au bord du lac.

Le tonnerre grondait lorsqu’hier soir je me suis glissé dans mon duvet et peu après l’orage a éclaté mais il en aurait fallu bien davantage pour m’empêcher de m’endormir, d’autant que j’aime le bruit que font les gouttes d’eau sur la toile. Vers une heure du matin, lorsque je me suis réveillé – sans doute juste pour avoir le plaisir de constater que je dormais – ce n’étaient plus que des gouttelettes et ce matin il faisait beau.

Après les quelques 1.500 m de dénivelé d’hier, j’ai accueilli avec un plaisir certain le fait que l’étape d’aujourd’hui commence par plusieurs kilomètres sur le plat. La Via de Francesco suivait en effet une agréable piste de terre, baptisée piste cyclable, qui ondulait dans les bois en suivant le cours de la rivière Nera. De part et d’autre de cette piste se découvraient successivement au fil des kilomètres des villages souvent très beaux, perchés chacun sur sa colline.

Je suis arrivé en début d’après-midi à la grande attraction touristique de la région, la Cascade des Marmore, une série d’impressionnantes chutes d’eau (plus de 80 mètres pour la plus haute) créées artificiellement en détournant le cours de la rivière Velino qui coule en haut de la falaise afin qu’elle se déverse dans la Nera. J’ai été stupéfié d’apprendre que ce travail de titan n’a pas été fait récemment mais par les Romains ! Je ne sais pas ce qu’il en était à l’époque romaine mais de nos jours les cascades coulent de manière intermittente, le flux du Velino étant réparti entre elles et une centrale hydroélectrique selon des horaires variables selon les jours.

Par chance, aujourd’hui, elles coulaient l’après-midi pour s’arrêter à 17h30. J’ai donc pu les admirer depuis le belvédère inférieur et le bassin de la Nera avant de monter par de longs escaliers jusqu’au belvédère supérieur et le Velino dont j’ai ensuite suivi le cours jusqu’au Lac de Piediluco sur les bords duquel je vais passer la nuit.

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