Porcs-épics

Traversée Nord-Sud, étape n°35 : Niherne -> Buxières d’Aillac (vendredi 22/07/2011)
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Un échidné
Un échidné solitaire (Monts Grampians, Victoria, Australie — Octobre 2011)
(On me pardonnera cette approximation : je n’ai jamais (*) rencontré de porc-épic au cours de mes pérégrinations, et je me sens des affinités avec le sympathique animal ci-dessus)

Encore une journée de marche sous une pluie quasi-continue et un ciel presque noir. C’est une journée à ne pas mettre le nez dehors mais pas de problème : mon nez est bien à l’abri sous mon poncho. Les chemins sont déserts, les routes départementales sont vides, les bois sont silencieux. Aujourd’hui, même les oiseaux ont décidé de rester à la maison.

Journée solitaire, soirée solitaire, dîner solitaire. Pendant une journée entière, je n’ai rencontré personne. Ça pourrait être déprimant mais en ce moment, c’est juste ce qu’il me faut. Neuf jours depuis Cloyes-sur-le-Loir. Plus les jours passent, mieux je me sens. La solitude me fait du bien : je suis à l’abri des piquants, et pour l’instant je n’ai pas froid.

(*) Il ne faut jamais dire jamais… près de dix ans plus tard, ce manque a été comblé en Campanie.

Parerga & Paralipomena (Arthur Schopenhauer)
« Par une froide journée d’hiver un troupeau de porcs-épics s’était mis en groupe serré pour se garantir mutuellement contre la gelée par leur propre chaleur. Mais tout aussitôt ils ressentirent les atteintes de leurs piquants, ce qui les fit se séparer les uns des autres. Quand le besoin de se réchauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de sorte qu’ils étaient ballotés de ça et de là entre les deux maux, jusqu’à ce qu’ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendît la situation supportable. Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur vie intérieure, pousse les hommes les uns vers les autres. Mais leurs nombreuses manières d’être antipathiques et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau [...] Par ce moyen, le besoin de chauffage mutuel n’est, à la vérité, satisfait qu’à moitié, mais en revanche on ne ressent pas la blessure des piquants. Celui-là cependant qui possède beaucoup de calorique propre préfère rester en dehors de la société pour n’éprouver ni ne causer de peine. »
Arthur Schopenhauer — Parerga & Paralipomena
(vf. Coda, 2005 – Éd. origin. 1851)

Liberté, Égalité, Laïcité

Traversée Nord-Sud, étape n°34 : Buzançais -> Niherne (jeudi 21 juillet 2011)
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Sur la façade de l'église de Villedieu-sur-Indre

Malgré la lutte d’influence à laquelle se sont livrés au fil des siècles la « fille aînée de l’Église » et l’État français monarchique puis républicain, y compris avant que la Loi de Séparation de l’Église et de l’État de 1905 fut promulguée, ce qui relève de l’une et de l’autre de ces deux entités jalouses de leurs prérogatives a toujours été clair en France.

On a donc une vraie surprise en découvrant l’église de Villedieu-sur-Indre. Sur sa façade, sous des modillons sculptés représentant les signes du zodiaque et au-dessus du portail d’entrée comportant une dédicace bien classique à Notre-Dame du Perpétuel Secours se trouve en effet une autre inscription, totalement inattendue sur un édifice religieux : « RÉPUBLIQUE FRANÇAISE » en grandes lettres capitales.

L’église de Villedieu-sur-Indre
Cette inscription illustre la querelle de clochers – c’est le cas de le dire – qui eut lieu en 1884 entre, d’une part, le Curé de la paroisse et son Conseil de Fabrique qui souhaitaient édifier une nouvelle façade comportant un clocher, et d’autre part le Maire de la commune et son Conseil municipal qui renâclaient à donner l’autorisation d’empiéter ainsi sur le domaine public.

Au « coup de force » des cléricaux qui entamèrent les fondations avant que l’autorisation municipale fut donnée, le Conseil Municipal répliqua par l’inscription de cette marque laïque et républicaine au fronton du clocher et l’obligation de faire sonner les cloches pour le 14 juillet.

J’ai su dès que j’ai vu sa façade que j’écrirais un jour un billet sur l’église de Villedieu-sur-Indre. L’actualité politico-religieuse de ces derniers jours lui donne, me semble-t-il, une saveur particulière.

Il est fréquent que le hasard fasse ainsi un clin d’œil facétieux au décalage temporel – plus d’un an actuellement – entre les étapes de ma longue randonnée à travers la France et la mise en ligne des billets correspondants. Je me suis dit en écrivant celui-ci qu’il est bien bon de vivre dans un pays dans lequel, depuis plusieurs siècles, les querelles en rapport avec la religion ne se situent le plus souvent qu’au niveau de Clochemerle.

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