La photo, ce n’est pas une question d’appareils

Le Turul, oiseau sacré des Magyars
Le Turul, oiseau sacré des Magyars

J’ai passé la majeure partie du dernier week-end à classer et à sauvegarder sur DVD les photos prises pendant mes voyages des trois dernières années. Près de vingt mille photos, dont plus d’un millier prises lors des deux semaines que je viens de passer au Viêt Nam.

Je reconnais volontiers qu’il n’y pas là de quoi être fier : avec les appareils numériques, il n’y a rien de plus facile que de mitrailler à tout va, en espérant que dans le lot de toutes ces photos prises sans réfléchir, il y en aura bien quelques-unes de bonnes.

D’ailleurs, beaucoup des photos que j’ai prises au cours de ces trois ans dans une vingtaine de pays différents n’ont guère de « valeur artistique ». Il y a beaucoup de souvenirs personnels et de clichés touristiques banals. Au plan purement photographique, je suis satisfait d’une cinquantaine de clichés tout au plus — et je me sens plutôt indulgent aujourd’hui. La photo ci-dessus est l’une de celles-là. Et puis, je l’aime aussi parce qu’elle a une histoire.

La photo, ce n’est pas une question d’appareils, de bidules et de gadgets. C’est une question de photographe. Un appareil photo n’a jamais fait une grande photo, pas plus qu’une machine à écrire n’a jamais écrit un grand roman »
— Peter Adams

J’ai passé neuf jours en Hongrie en juillet 2007, à marcher et à faire des photos. Il y avait alors une vague de chaleur en Europe centrale, avec des températures de l’ordre de 40°C, ce qui ne m’avait pas dissuadé d’arriver là-bas avec tout mon attirail dans le sac à dos, plus un trépied, bref un matériel plutôt lourd et encombrant, vous pouvez me croire.

Après sept jours passés à marcher sous la canicule dans la campagne et les villages hongrois, me voici à Budapest. Je peux enfin laisser ce satané sac à dos, le trépied et tout le toutim dans une chambre d’hôtel et partir explorer la ville en n’emportant que mon appareil photo dans un petit sac.

La Magyar Gemzety Galleria, la Galerie Nationale de Hongrie, est située dans le Palais de Buda qui domine le Danube. Appareil photos interdits même pour les collections permanentes, obligation de laisser sacs et appareils photos dans un casier. Bon, tant pis, « Dura lex sed lex ». Sauf que, dans un couloir du dernier étage, entre deux salles d’expositions, voilà qu’apparaît à travers une fenêtre une scène qui n’est visible de nulle part ailleurs dans la ville : le Turul, l’oiseau sacré légendaire des Magyars, étend ses ailes au-dessus de Pest qu’il domine et surveille par-dessus le Danube.

Je m’arrête, je rajuste un lacet qui n’en a nul besoin pendant que le gardien passe à côté de moi, et une fois qu’il a le dos tourné, je fais en cachette un cliché avec mon téléphone portable. Un seul cliché. Avec un vieux téléphone portable, 1 megapixels. Sans réglage. A travers une vitre.

D’accord, la définition est médiocre. On devine le reflet de ma chemise sur la vitre. Mais c’est une photo qui a été voulue, construite en pensée avant que j’appuie sur le déclencheur. Une bonne photo, et à coup sûr ma préférée parmi celles prises pendant ce voyage en Hongrie.

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