Où suis-je ?

Il est peu probable que j’écrive de nouveaux articles de blog au cours des prochains mois puisque j’ai enfin pu partir de Paris aujourd’hui. Me mettant en route trop tard pour espérer arriver à Syracuse cette année, je vais répartir ce trajet sur deux ans. Je suivrai l’une ou l’autre des deux traces prévisionnelles indiquées en rouge sur la carte ci-dessous :
- l’initiale, passant par la Suisse et le Col du Grand Saint Bernard, est mise en stand-by par l’incertitude actuelle sur le passage des frontières ;
- la seconde, passant par Menton via la Grande Traversée des Alpes, me permettra si nécessaire d’aller le plus loin possible vers le sud tout en restant en France.

Les deux traces se rejoignent en Italie au niveau de l’Alta Via dei Monti Liguri. On verra bien laquelle je peux suivre, selon l’évolution de la situation sanitaire. J’indiquerai sur la carte, jour après jour, toutes mes étapes réellement effectuées depuis Paris. Au fur et à mesure que le temps passera et que les étapes se succéderont, les petites marques bleues devraient donc recouvrir les traits rouges… et la dernière de ces marques indiquer l’endroit où je suis arrivé(l’icône située en haut à droite permet d’ouvrir la carte en grand dans Google Maps).

Par suite d’un incident indépendant de notre volonté…

4 mai

Voilà près de deux ans que la date d’aujourd’hui était entourée de rouge dans mon calendrier mental, comme LE jour où je fermerais la porte de mon appartement, sac sur le dos et chaussures de marche aux pieds, et où j’entamerais un long voyage à pied de Paris à Syracuse.

Eh bien, c’est raté ! Au lieu d’être aujourd’hui en train de m’extirper de la métropole parisienne, je suis confiné à mon domicile à cause d’un virus qui paralyse le monde entier, et j’écris ces quelques lignes sur le clavier d’un ordinateur que je pensais ne plus avoir l’occasion d’utiliser pendant six mois.

Le plus fort de la déception est toutefois déjà passé car j’ai progressivement compris au cours des dernières semaines qu’il ne me serait pas possible de rallier Syracuse cette année.

Cela ne veut pas dire que j’aie pour autant renoncé à faire cette longue marche. Le risque qu’un randonneur solitaire en bivouac attrape le virus, et devienne donc contagieux, est assurément plus faible que celui que la même personne court et fait courir aux autres en vivant à Paris, et seules les interdictions actuelles m’empêchent de partir.

Il est en effet actuellement interdit aux Français de s’éloigner de leur domicile d’une distance supérieure à 100 km mais on peut toujours espérer que cela redeviendra autorisé avant l’été. Cela me permettrait de partir quand même cette année, mais pas d’atteindre la Sicile avant novembre ou décembre, à une époque où les journées sont vraiment très courtes et où il ne serait plus envisageable de gravir l’Etna sans équipement hivernal.

Espérer n’est pas interdit par les lois »
— Henry de Montherlant

En admettant que nous ne soyons pas privés trop longtemps du droit de nous déplacer librement, j’ai donc prévu de scinder mon périple en deux parties : une partie française cette année, une partie italienne l’an prochain. Je suivrai d’abord un chemin proche de mon trajet initial via le cours de la Seine, le Morvan et le Jura mais, au lieu de continuer ensuite vers la Suisse et le Col du Grand Saint-Bernard, je rejoindrai la rive sud du Lac Léman pour poursuivre mon voyage par la Grande Traversée des Alpes jusqu’à Menton, où j’atteindrai à la fois la Méditerranée et la frontière italienne.

L’an prochain, je repartirai de Menton et passerai en Italie par l’Alta Via dei Monti Liguri, sauf si je décide plutôt de partir une nouvelle fois de chez moi afin de parcourir en une seule fois le trajet initialement prévu.

La carte ci-dessous indique ce nouveau tracé, avec en bleu le souvenir du trajet primitif par la Suisse, le Val d’Aoste et le Piémont. Mais pour l’instant… wait and see! Ou plutôt : chi vivrà vedrà!

Dans la forêt (Jean Hegland)

Dans la forêt

Nell a 17 ans. C’est son journal que nous lisons, rédigé sur le cahier qu’Eva, son aînée d’un an, lui a offert pour le premier Noël qui a suivi la mort de leurs parents. Les deux sœurs ont toujours vécu dans leur maison familiale, au cœur d’une grande forêt du nord de la Californie. Elles étudiaient avec acharnement, Nell pour intégrer Harvard, Eva pour devenir ballerine. Leur vie était heureuse jusqu’à la mort de leur mère, d’un cancer, quelques mois plus tôt, même si le monde qu’elles ont toujours connu avait déjà commencé à s’effondrer.

Autour d’elles et de leur père, en effet, tout se détériore peu à peu. L’électricité va et vient puis disparaît. Le téléphone, internet, la poste, plus rien ne fonctionne. Les magasins ferment, les trains et les avions ne circulent plus. Protégées par leur isolement, elles apprennent par touches que des troubles ont eu lieu dans le pays et ailleurs sur la planète, qu’il y a des épidémies, des crues, peut-être un accident nucléaire, mais finalement aucun événement initial bien identifié qui signerait le début de cette fin du monde.

Livrées à elles-mêmes après la mort accidentelle de leur père, les deux sœurs doivent apprendre à survivre et à vivre ensemble. Elles vont faire leur deuil d’un monde qui n’existe plus et de rêves d’avenir qui n’ont plus aucun sens. Devenues adultes en peu de temps, il leur faut subvenir à leurs besoins essentiels et pour cela apprivoiser la nature qui les entoure.

À la fois roman post-apocalyptique, roman écologique et roman d’apprentissage, et soutenu par une splendide écriture, « Dans la forêt » — dont la publication aux États-unis date de 1996 — est l’un de ces rares livres qu’on voudrait pouvoir lire à la fois très lentement pour en déguster chaque phrase et à toute vitesse pour connaître la suite… un livre qui marque et dont on se souvient.

Dans la forêt (Jean Hegland)
« Au début, quand le courant sautait alors que nous préparions un repas, nous sortions le réchaud à gaz Coleman et terminions la cuisson sur les brûleurs qui sifflaient, jusqu’au jour où nous n’avons plus pris la peine de ranger le Coleman.
Lorsque nous avons fini la dernière bonbonne de gaz et qu’à la quincaillerie on n’en vendait plus nous avons trouvé comment cuire des pommes de terre sous le charbon du poêle dans le salon et appris à faire sauter des pancakes, à cuire des haricots à l’eau et du riz à la vapeur sur le dessus. [...]
Notre père a creusé un trou dans le ruisseau, l’a tapissé de pierres et de sacs-poubelle en plastique noir, l’a recouvert avec un panneau de signalisation CÉDEZ-LE-PASSAGE qu’il avait récupéré autrefois à la déchetterie, et l’a fièrement appelé « réfrigérateur ». »

Jean Hegland — Dans la forêt (vf. Gallmeister, 2017)

Marcher seul

seul

Certaines personnes vous diront que les randonneurs solitaires sont forcément des misanthropes, ou bien qu’ils sont seuls parce qu’ils n’ont trouvé personne pour les accompagner. Je pense que la réalité est tout autre. Aussi étonnant que cela puisse paraître, marcher seul favorise au contraire les échanges avec les personnes que l’on croise car on est alors bien plus disponible pour discuter avec elles et pour les écouter.

Marcher en groupe est une excellente façon de partager des moments agréables avec sa famille ou ses amis, de discuter, de rire, et parfois aussi de se mesurer à eux dans un esprit de compétition, mais le groupe une fois créé risque fort de rester centré sur lui-même et d’imposer sa présence à ceux qu’il croise plutôt que de s’ouvrir à eux.

Le marcheur solitaire, qui ne gère que lui-même, est forcément plus disponible, et il peut même avoir des efforts à faire pour être accepté par autrui.

Je crois que l’on choisit de marcher seul pour mener son itinérance comme on l’entend, à son rythme et en la maîtrisant de bout en bout, pour marcher en toute liberté en ayant toujours la possibilité de changer d’avis, de ralentir ou de forcer le pas, de modifier sa route ou de s’arrêter là et quand on le décide. Quelques couples (amis ou conjoints) y arrivent aussi mais c’est pratiquement impossible quand on est plus de deux.

« Oui, mais… tout seul, on s’ennuie ! » dira-t-on. C’est vrai, la marche est parfois monotone, à cause de la régularité du paysage, du mauvais temps, de la fatigue ou de notre état d’esprit du jour, et parce qu’au fond, marcher, c’est faire toujours la même chose, c’est sans cesse « mettre un pied devant l’autre et recommencer ».

Mais cette monotonie n’est pas de l’ennui. S’ennuyer c’est ne rien faire, et quand on marche, on fait quelque chose… puisque, justement, on marche ! En regardant on l’on pose les pieds, en observant le paysage, en cherchant son chemin… on fait toujours quelque chose. Lorsque le corps est bien rodé et qu’il ne souffre plus de l’effort au long cours qu’il fournit, l’esprit se libère. Au fil des heures, la pensée devient flottante et le temps passe comme coule une eau tranquille, sans obstacle, affranchi des inquiétudes du quotidien et des aiguilles de l’horloge.

Vers Compostelle (Antoine Bertrandy)
« Si la vie même, le passage du temps alloué à chacun d’entre nous a l’allure d’un voyage, le plus souvent c’est à un voyage à pied que nous la comparons : tous nous sommes des pèlerins qui cheminons dans le paysage de nos histoires personnelles. L’image du marcheur solitaire, actif, qui traverse l’existence sans vraiment s’y installer correspond à une vision très forte de la condition humaine [...] La métaphore de la marche retrouve une dimension littérale chaque fois que nous nous déplaçons à pied. Si la vie est un voyage, lorsque nous voyageons vraiment nos vies deviennent plus tangibles : nous allons vers un but, pouvons mesurer notre progression, comprendre nos exploits. »

Rebecca Solnit — L’art de marcher (Actes Sud – Babel, 2014)

Les animaux dangereux en randonnée

loup

Parmi tous les animaux que je risque de rencontrer sur mon chemin vers Syracuse, quel sont ceux dont je devrai le plus me méfier ? Les ours ? Les loups ? Les sangliers ? Les vaches ? Les serpents ? Les chiens ? ou d’autres ? Voyons voir…

• L’ours brun est devenu le symbole du parc national des Abruzzes mais il est rare et craintif. Je serais sacrément chanceux si j’avais la chance d’en apercevoir. Il en est de même pour les loups en Italie, et pour le lynx dans le Jura. Exit donc d’emblée la crainte des fauves.

• Les sangliers peuvent être agressifs s’ils sont accompagnés de marcassins. Je resterai à distance de ceux que je verrai ! La nuit, comme d’ailleurs les vaches, ils peuvent avoir la mauvaise idée de tourner autour de la tente, au risque de se prendre les pattes dans ses haubans mais dans ce cas il devrait suffire que j’en sorte pour les faire fuir.

• Le risque d’être mordu par une vipère est minime, car elles sont craintives et s’enfuient quand notre pas fait vibrer le sol. Il faudra juste que je fasse attention à ne pas marcher par mégarde sur l’une d’entre elle, encore endormie au milieu d’un sentier, lorsque je partirai très tôt cet été en raison de la chaleur.

• Les chiens… Ah, les chiens peuvent être un vrai danger. On ne compte plus les randonneurs mordus par un patou. Ces chiens de berger ne font certes que leur travail en protégeant le troupeau, mais tous les randonneurs savent que la gestion de ces rencontres est parfois difficile. On change de chemin, on contourne le troupeau à bonne distance, on parle calmement au chien sans geste brusque et sans le regarder dans les yeux… En principe, ça passe…

Il y a aussi les chiens errants et les chiens de ferme qui sortent de celle-ci, aboyant comme des fous, par le portail laissé grand ouvert… Ceux-là sont souvent agressifs. Calme et attitude corporelle ne suffisent pas toujours et il faut savoir les menacer avec son bâton ou avec des cailloux, voire faire plus que menacer.

• En fait, les animaux que je redoute vraiment sont les plus petits. Les moustiques bien sûr, contre lesquels moustiquaire, vêtements traités à la perméthrine et spray anti-moustiques feront ce qu’ils peuvent, et surtout les tiques. Ces sales petites bêtes seront présentes tout au long de mon chemin, surtout dans les zones boisées, et beaucoup sont infectées par une bactérie (la borrelia) responsable de la maladie de Lyme.

Prudence donc, même si les sprays anti-moustiques repoussent habituellement aussi les tiques. Je marcherai le plus souvent en pantalon dans les zones à risque et je vérifierai chaque soir avec un miroir les endroits les plus intimes de mon anatomie, ces régions chaudes et humides que les tiques affectionnent particulièrement. Ensuite, retire-tique et pince à épiler feront leur office !

• Et puis… l’animal le plus dangereux qu’on risque de croiser en randonnée est assurément l’être humain. Les rencontres sont pour moi l’un des principaux attraits de la randonnée, je souhaite donc être ouvert aux autres le plus possible. Toutefois, un minimum de méfiance et de retenue ne pourra pas me nuire, même si marcher en solitaire est sans aucun doute moins risqué pour un homme que pour une femme.

Peur, moi ?

danger

Beaucoup de personnes auxquelles je parle de mon projet de rejoindre Syracuse à pied depuis Paris me demandent immédiatement : « Mais tu n’as pas peur ? », ce à quoi je réponds : « peur de quoi ? »

« Mais… peur de t’ennuyer tout seul ? Peur de dormir dans les bois ? Peur d’avoir froid, d’avoir faim, d’avoir soif ? Peur de te perdre ? Peur des animaux sauvages ? Peur de faire une mauvaise rencontre ? Peur d’avoir un accident ? »

En fait, non, je n’ai pas peur… Cela ne veut pas dire que je suis inconscient mais il faut savoir faire la différence entre les dangers réels de la randonnée solitaire, qu’il faut connaître pour les réduire le plus possible, et les craintes souvent irraisonnées qui hantent l’imaginaire collectif !

Le principal risque de la randonnée, c’est celui d’avoir un accident. On peut tomber et se casser une jambe, ou pire. Bien sûr, un accident est possible dans toutes les circonstances de la vie mais il est assurément plus élevé en randonnée, surtout en montagne, qu’en restant assis devant son écran.

Il est indiscutable que la gestion de l’accident est plus difficile quand on est seul et que cela rend souhaitable un certain nombre de précautions :
- rester sur les chemins balisés,
- indiquer son parcours à un proche ou aux refuges croisés,
- avoir sur soi un téléphone portable à la batterie suffisamment chargée,
- emporter éventuellement une balise de localisation,
- et bien sûr, avoir de quoi boire et se tenir chaud pendant le temps nécessaire à l’arrivée des secours.

En revanche, le risque d’avoir un accident n’est pas plus élevé quand on est seul que lorsqu’on est plusieurs. Il est même sans doute moindre parce que, lorsqu’on est seul, on marche à son rythme, sans avoir besoin de forcer ou de se freiner pour coller au groupe. On peut ralentir voire décider de changer de chemin si on ne se sent pas à l’aise. On est plus concentré parce qu’on est le seul à prendre des décisions et que l’on n’est pas distrait par la conversation du voisin.

Quand on est seul, on est responsable de soi-même. Il faut donc bien connaître ses limites et savoir ne pas insister si l’on pense être en train de se mettre en danger.

En résumé : non, je n’ai pas peur… mais je suis prudent !

Six mois, six kilos, Syracuse

Léger comme une plume...

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas nécessaire d’emporter plus de matériel pour un voyage à pied de plusieurs mois que pour une randonnée de quelques jours. Peut-être même est-ce le contraire, à en croire les pélerins vers Compostelle qui décident souvent de se délester en cours de route d’objets qu’ils avaient pourtant jugés indispensables avant leur départ.

Il faut dire que le poids du sac à dos porté par beaucoup des randonneurs qu’on croise sur les chemins dépasse allègrement les dix, douze, voire quinze kilogrammes, y compris pour des randonnées de quelques jours !

Cela dit, je serais mal placé pour les critiquer puisque j’étais moi-même dans ce cas il n’y a pas si longtemps. Par exemple, lors de mes traversées Nord-Sud, puis Est-Ouest de la France, mon sac à dos pesait environ 14 kg. Il m’est même arrivé de renvoyer par la poste plusieurs kilos de matériel de bivouac pour dormir ensuite en chambres d’hôtes, tant mon dos et mes jambes n’en pouvaient plus.

Quelle différence avec maintenant ! Pour le voyage à pied entre Paris et Syracuse que je compte faire cette année, le poids de base de mon sac sera inférieur à 6 kg. Cet allègement s’est fait progressivement en un peu moins de deux ans. Mes essais successifs sur le terrain m’ont permis d’arbitrer entre mes craintes antagonistes d’inconfort lié au manque d’un objet et d’inconfort lié au poids porté.

Les conseils avisés glanés sur divers sites, et tout particulièrement sur le forum randonner-léger m’ont également beaucoup aidé. En voici quelques uns :

Ce qui pèse le moins lourd, c’est ce qu’on n’emporte pas.

Ajoutés les uns aux autres, les gadgets « qui ne pèsent que quelques grammes » finissent pas peser lourd sur les épaules. Avant d’emporter un objet « au cas où », posons-nous la question de savoir si l’on en aura réellement besoin ou si, après tout, on pourra aussi bien faire sans.

Diminuer le nombre de vêtements de rechange fait aussi gagner beaucoup de poids. Par exemple, pourquoi prendre deux paires de chaussettes de rechange ? Une seule suffit, qu’on pourra porter pendant que la première paire sèche sur le sac à dos. La troisième paire, qu’on avait prise pour se rassurer, ne sert jamais. Allez hop, on supprime, et le poids est réduit du tiers. C’est évidemment la même chose pour tous les vêtements pour lesquels on souhaite emporter un change : T shirt ou chemise, sous-vêtements, etc.

Vive la polyvalence !

Un unique objet pouvant jouer plusieurs rôles pèse moins lourd que plusieurs objets dédiés chacun à un seul usage. Un bâton de marche peut servir de mât pour la tente. Si le matelas sur lequel on passe la nuit est un matelas mousse, il pourra aussi servir pendant la journée, en rigidifiant un sac à dos sans armature.

Le smartphone est l’objet polyvalent par excellence : il ne sert pas seulement d’instrument de communication (téléphone, sms, mails, accès internet) mais peut aussi remplacer appareil photo, caméra, GPS, lecteur mp3, lampe de poche, dictaphone, bloc-note, liseuse, altimètre, boussole, j’en oublie sans doute… permettant ainsi de choisir d’emporter ou pas chacun de ces divers objets.

Un passionné de photo ne se contentera pas du smartphone pour faire ses clichés mais il sera bien content de pouvoir emporter son reflex parce qu’il aura gagné du poids ailleurs. Le fait d’avoir un sac léger permet de s’autoriser des extras.

Avoir une balance, et l’utiliser !

C’est ballot, mais pour se rendre compte qu’un objet est plus ou moins léger, on n’a encore trouvé aucun meilleur moyen que le peser. Ayant l’habitude de tenir un journal de marche tout en étant incapable d’écrire longuement sur le clavier d’un smartphone, je m’autorise le caprice d’un carnet de notes et d’un stylo. J’ai eu la surprise, le jour où j’ai pensé à les peser, de constater que mon carnet de notes habituel pesait plus de 300 grammes, et que j’emportais sans réfléchir un stylo de 30 grammes. Je les ai remplacés par un carnet plus fin et un banal stylo Bic, gagnant 250 grammes sans avoir rien sacrifié.

Autre exemple : pourquoi emporter un gros couteau de 150 grammes, parfait pour le bushcraft mais dont on ne se servira en fait que pour couper du saucisson ? On divisera ce poids par 3 ou 4, au moins, en prenant à la place un petit Opinel.

Trois questions simples à se poser

En résumé, il est donc souhaitable de se demander d’abord, pour chaque objet, si on en a vraiment besoin ; puis s’il ne serait pas possible d’utiliser un autre objet pour faire aussi ce à quoi on le destine ; et enfin s’il n’en existe pas un autre modèle plus léger. Se poser ces questions simples permet de faire un grand pas dans l’allègement du sac à dos.

J’aimerais tant voir Syracuse…

Ma destination : l’île d’Ortygie, à Syracuse

Depuis près de dix ans, j’ai été par force un adepte des « longues marches par tronçons ». Deux ou trois fois par an, j’arrivais à grappiller ici une semaine, là dix jours d’escapade sur les chemins de France. Au fil des années, cela m’a amené à traverser l’Hexagone du nord au sud, puis d’est en ouest, puis à faire le tour de la Bretagne en suivant la côte.

C’était toujours trop peu, toujours trop court et j’attendais avec impatience le moment où je pourrais enfin faire un véritable long voyage à pied. Depuis le 1er janvier dernier, c’est chose faite. Grâce aussi à la compréhension de mon épouse, j’ai maintenant toute liberté pour faire une très longue randonnée en solitaire.

À Emmanuelle, qui m’a laissé marcher tout seul  »
(Antoine de Baecque)

La destination

Depuis Paris où je réside, je vais rejoindre Syracuse à pied. Pourquoi Syracuse ? Eh bien, pourquoi pas Syracuse ? J’ai décidé depuis longtemps qu’un matin je partirais de mon domicile parisien, mon sac sur le dos, avec pour objectif lointain une extrémité de l’Europe et, entre les deux, plusieurs mois de marche en solitaire.

Cet objectif aurait pu être Istanbul, ou le Cap Nord, ou Tarifa. J’ai envisagé assez longtemps d’aller à Athènes en passant soit par les Balkans soit par Rome, les Pouilles et l’Albanie mais finalement, mon goût pour l’Italie, les Italiens et la langue italienne m’a fait modifier la fin de ce trajet pour viser non plus la Grèce mais le sud de la Sicile, et la célèbre chanson de Bernard Dimey et Henri Salvador m’a suggéré le nom à poser sur le terme du voyage.

Ce qui compte de toute façon pour moi dans cette longue marche, ce n’est pas la destination qui lui sert de prétexte, c’est le trajet lui-même. C’est ce long entre-deux séparant ma vie professionnelle récemment achevée et un avenir dont j’espère qu’il m’aidera à préciser les contours.

Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher. Je voyage pour le plaisir de voyager  »
(Robert-Louis Stevenson)

Le parcours

Le trajet envisagé représente environ 3.800 kilomètres que je compte parcourir en cinq à six mois, sans me presser et en m’accordant autant de journées de repos qu’il sera nécessaire, y compris sans doute quelques semaines de vacances italiennes en couple ou en famille.

Mon départ est prévu le lundi 4 mai 2020. Je devrais donc arriver à Syracuse en octobre. Je suivrai approximativement la trace ci-dessous. En fait, la pandémie covid-19 m’a obligé à retarder mon départ et à modifier mon trajet, désormais scindé en deux parties. Cf. cet article de mai 2020 et les suivants pour le détail de ces modifications et la trace mise à jour.

Il ne s’agit toutefois que d’une ligne directrice, un canevas sur lequel je broderai ma route. Je n’ai pas l’intention de suivre au kilomètre près un parcours fixé à l’avance et me laisse toute liberté pour changer de chemin en cours de route lorsque l’idée m’en passera par la tête. Selon les endroits, les opportunités, le temps qu’il fera et mon humeur du jour, je dormirai tantôt sous un toit, tantôt sous la tente.

J’emporterai une balise GPS qui, outre son utilisation éventuelle en cas d’urgence, permettra à mes proches de savoir en permanence où je me trouve. Je reporterai aussi mes étapes sur cette autre carte, chaque soir si je le peux.

Depuis Paris, je mettrai le cap au sud-est, en direction de la Suisse. Le fait de marcher d’abord en plaine pendant les premières semaines devrait permettre à mon organisme de prendre ses marques et de remplacer quelques kilos de graisse par un peu de muscle avant d’attaquer les dénivelés du Jura puis des Alpes. La traversée de celles-ci culminera au Col du Grand-Saint-Bernard (Alt 2.469 m), qui marquera aussi le passage en Italie. J’aurai alors fait environ le quart de mon périple dont toute la suite se déroulera dans ce pays.

Après la descente du versant italien des Alpes vers Aoste puis la plaine du Pô, je rejoindrai la Alta Via dei Monti Liguri que je prolongerai jusqu’à Lucques et la Toscane. La traversée de celle-ci via Pise et Sienne m’amènera jusqu’au lac Trasimène, en Ombrie, puis à Pérouse et Assise. Je suivrai alors la Via di Francesco que je quitterai avant Rome pour me diriger à travers les Abruzzes vers le Vésuve et la côte amalfitaine.

On devrait être alors au mois d’août et il fera sans doute très chaud. Je m’efforcerai donc de rester en altitude en suivant le plus souvent le Sentiero Italia pour la longue traversée de la Calabre jusqu’à Reggio. Arrivé à la pointe de la botte, je serai bien obligé de déroger à la règle du « tout à pied » pour quelques heures de bateau jusqu’à Messine et la Sicile. Je me dirigerai alors vers l’Etna que j’espère pouvoir gravir jusqu’à l’un de ses cratères sommitaux (Alt 3.350 mètres environ). Je redescendrai ensuite jusqu’à la pointe sud du triangle sicilien avant de remonter brièvement vers le nord pour atteindre Ortigia.

Cartographie

Pour la préparation du parcours, je me suis servi des traces publiées sur plusieurs sites et particulièrement sur celui de Jean-Marc « Caminaïre » dont les comptes-rendus quotidiens publiés lors de sa traversée de l’Italie en 2016 m’ont beaucoup aidé. Pour les portions les plus isolées du parcours et surtout dans le sud de l’Italie, je me suis efforcé de repérer les fontaines et les points de ravitaillement sur les cartes Google Maps, OpenTopoMap et OpenCycleMap. Je me suis servi d’Openrunner pour créer des traces des différentes parties du parcours, ensuite scindées et regroupées avec MyGPSfiles. Leur réunion a abouti à la trace globale affichée ci-dessus.

Sur un tel trajet de plusieurs milliers de kilomètres, il serait impensable de vouloir emporter des cartes en papier dont le poids et l’encombrement nécessiteraient une remorque. J’utiliserai donc des cartes numériques, comme je le fais de toute façon depuis plusieurs années pour toutes mes randonnées. J’ai téléchargé sur mon smartphone ma trace prévisionnelle et les cartes de la totalité du parcours à diverses échelles (cartes IGN pour la France, cartes OpenTopoMap et parfois OpenCycleMap pour la Suisse et l’Italie), afin de les consulter hors ligne avec le logiciel iPhIGéNie.

Cela étant, j’ai découvert il y a quelques mois la cartographie vectorielle qui permet d’avoir sur son smartphone une masse considérable d’informations paramétrables, y compris les cartes OpenStreetMap avec les courbes de niveau et les points d’intérêt, en un volume relativement réduit (autour de 2 gigaoctets pour la totalité de la France, de la Suisse et de l’Italie). Cela me donnera beaucoup plus de liberté pour modifier en cours de route mon parcours si je le souhaite. C’est donc vraisemblablement le logiciel de cartographie Oruxmaps (implémenté grâce au site OpenAndroMaps), qui gère parfaitement la cartographie vectorielle, que j’utiliserai principalement en Suisse et en Italie.

Les vues satellites sont parfois utiles pour repérer un passage en dehors des chemins ou un possible lieu de bivouac. J’utiliserai alors le logiciel ViewRanger, particulièrement efficace pour cela… à condition qu’il y ait du réseau.

Toutes mes données sont sauvegardées sur un cloud d’où je pourrais les restaurer en cas de malheur technologique toujours possible (panne ou casse du smartphone, mais aussi perte ou vol). Je pense donc être paré et pouvoir sans risque majeur me passer totalement de cartes en papier.

Journal

Comme beaucoup de marcheurs, je tiens un « journal de marche » manuscrit dans lequel je relate chaque soir les événements et mes réflexions de la journée. Ce sont deux ou trois pages rapidement écrites — et que mon écriture rend difficilement déchiffrables par quiconque d’autre que moi-même ! — sur lesquelles je m’appuie pour rédiger après coup les textes que je publie sur ce blog. J’ai essayé de tenir ce journal sur mon smartphone mais je n’y arrive pas. Je suis incapable de résumer ma journée ou de décrire mes sensations ainsi, sans parler du désagrément et du temps nécessaire pour écrire un texte lettre après lettre sur un petit clavier.

Il ne faudra donc pas attendre de ma part beaucoup d’articles de blog « live » au cours de cette longue marche. J’ai en revanche créé une page Facebook qui me servira à donner régulièrement des nouvelles et à publier des photos.

Le matériel et le bonhomme

Au cours des dernières années, j’ai progressivement diminué le poids du contenu de mon sac à dos pour atteindre actuellement environ 5 kg, eau et nourriture non compris. Pour arriver à une liste de matériel aussi épurée, j’ai beaucoup appris de la fréquentation régulière du forum randonner-léger.

L’allègement s’est fait en douceur, sans contraintes et sans sacrifier ni la sécurité, ni le confort. Au contraire même : il est bien plus confortable de marcher en oubliant quasiment que l’on porte un sac sur le dos, et plus facile de franchir ainsi les passages difficiles, voire de se sortir de situations périlleuses.

Je ne serai toutefois pas aussi léger lors de cette marche au long cours que pour mes randonnées d’une ou deux semaines, et le poids de mon sac tournera plutôt autour de 6 kg. Lorsque l’on part pour plusieurs mois, il est en effet indispensable que le matériel emporté soit solide et éventuellement réparable, ce qui ajoute forcément un peu de poids. Il faut aussi emporter certains items dont on aurait pu plus facilement se passer sur une courte période, prévoir tous les types de temps en différentes saisons, un peu plus de consommables, etc.

Il m’a donc fallu arriver à des compromis avec moi-même pour arbitrer entre les craintes antagonistes d’inconfort lié au manque d’un objet et d’inconfort lié au poids porté. Je crois y être assez bien arrivé, et pense que tout devrait aller bien si le physique suit.

La seule véritable incertitude que j’ai avant le départ concerne en effet mon état physique. J’ai la chance d’être en bonne santé et je marche régulièrement depuis de nombreuses années mais j’ai 65 ans… Les montées deviennent chaque année plus raides et la fatigue arrive plus tôt.

J’ai acquis une bonne expérience du bivouac et des randonnées d’une à deux semaines. Toutefois, je sais sans l’avoir encore expérimenté que cela n’a rien à voir avec l’épreuve physique que représentera un voyage à pied de plusieurs mois. On verra bien.

Je pars bientôt. Je marcherai seul, à mon rythme, sans personne pour me mettre la pression en dehors de moi-même. J’ai hâte.

Jamais je n’ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j’ose ainsi dire, que dans les voyages que j’ai faits seul, et à pied  »
(Jean-Jacques Rousseau)

De Théhillac à Redon

Tour de Bretagne [Étape n°77]

Voilà, c’est fini…

Je suis arrivé à Redon en début d’après-midi mais, grève de la SNCF oblige, le seul train restant pour Paris part à 19 heures. J’ai donc eu plusieurs heures devant moi pour finir de profiter de cette dernière journée. Après avoir visité la ville et passé un long moment à l’intérieur de l’Abbaye Saint-Sauveur, je me suis installé à la terrasse du petit café où j’écris ces lignes avec devant moi une bouteille de Breizh-Cola.

Il y a 4 ans presque jour pour jour, quelque part après le Mont-Saint-Michel, je buvais le premier Breizh-Cola de ce Tour de Bretagne. Entre les deux, il y a eu environ 1 827 kilomètres et 77 journées de marche. Beaucoup de belles journées, quelques-unes moins bonnes — et les plus récentes ne font pas partie des meilleures — plusieurs bivouacs splendides, quelques belles rencontres, de nombreux moments de solitude heureuse et de légèreté.

Je garde particulièrement en tête certains lieux, certaines sensations : le tour du Cap Fréhel, mon arrivée à Tréguier le jour de la Saint-Yves, les dénivelés de Saint-Jean-du-Doigt, le tour des trois Abers, mon bivouac à Crozon sur le sillon des Anglais, l’isolement de bout du monde du Cap Sizun, les neuf compères de Pont-Aven, le tour de Belle-île… Et de nombreux autres souvenirs gardés au frais dans mon carnet de route et parfois dans ce blog.

C’est déjà du passé. La vie continue. Je sirote mon soda en pensant à l’avenir et à mon futur long voyage à pied. Mais il est encore un peu trop tôt pour que j’en parle ici.

D’Arzal à Théhillac

Tour de Bretagne [Étape n°76]

En longeant la Vilaine
En longeant la Vilaine

J’ai commencé hier à remonter la Vilaine, marchant le plus souvent à quelque distance du fleuve, dans les bois ou entre des champs, jusqu’à Arzal où se trouve un barrage dont le but n’est pas de produire de l’électricité mais de servir de protection contre les grandes marées qui ont par le passé causé de grands dégâts jusqu’à Redon.

Les chemins par ici sont le plus souvent enfermés entre deux haies s’appuyant contre des clôtures électrifiées, ce qui est aussi efficace pour empêcher les vaches de sortir du champ où elles paissent que pour empêcher les randonneurs désireux de poser la tente d’y entrer. Je commençais donc, la nuit s’approchant, à me demander si je ne serais pas obligé de continuer à la frontale jusqu’à la Roche-Bernard quand un petit miracle s’est produit : en bord de sentier, un petit pré sans clôture… et sans vache !

Et ce matin, après une bonne nuit, quelle surprise ! Il faisait certes gris et moche, mais il ne pleuvait pas. J’ai rejoint, par les mêmes petits chemins creux, boueux et glissants, la Roche-Bernard où j’ai traversé le fleuve. Quelques kilomètres plus loin, vers Nivillac, j’ai même profité de quelques rayons de soleil pour déjeuner au bord de l’eau. Je suis reparti juste à temps pour profiter au maximum des plaisirs de la marche sous la pluie. Jusqu’au soir il a plu sans arrêt, le crachin n’étant interrompu que par les averses.

Malgré ce temps pourri, ce fut une journée agréable pendant laquelle j’ai marché à mon rythme au bord de l’eau, le plus souvent perdu dans mes pensées. Songeant à mon futur périple, j’étais finalement heureux de pouvoir vérifier l’efficacité de mon système de protection contre la pluie. La veste imper/respi et le pantalon de pluie m’ont bien protégé sans que je sois mouillé de transpiration et le parapluie est définitivement un accessoire très utile, à condition que le vent soit faible. Les poggies fabriquées à partir d’un vieux parapluie pour me protéger les mains sont vraiment utiles (en fait, je n’en ai utilisé qu’une seule puisque, sur le plat, je marche avec un seul bâton). Système testé et approuvé donc !

Pas de souci non plus avec mon sac à dos Hyberg en cuben qui demeure parfaitement étanche. Je pense néanmoins qu’il faudra que je le remplace pour mon voyage vers Syracuse par un sac un peu plus grand – et lui aussi étanche car c’est un avantage dont je ne veux plus me passer.

Pendant que je réfléchissais ainsi, mes jambes ont fonctionné toutes seules et elles n’ont pas chômé. En fin d’après-midi, il est devenu évident que mon étape de demain serait la dernière de ce Tour de Bretagne et que j’arriverais à Redon en milieu de journée. Ça sent la fin !

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