Par vent arrière

Traversée Nord-Sud, étape n°17 : Gisors -> La Roche-Guyon (jeudi 14 octobre 2010)
Vous pouvez aussi voir ici la liste de toutes les étapes de la Traversée Nord-Sud
.

La vallée de la Seine depuis les hauteurs de La Roche-Guyon

La route est longue et je suis parti tard. Je marche en ligne droite sur de petites routes et des chemins d’exploitation qui s’étirent entre les champs. Tout droit vers le sud, avec dans le dos le vent du nord qui me pousse et m’aide à progresser. Un vent fort avec des rafales : sous le ciel pourtant bleu, la bise est venue.

Malgré sa froidure, je ne me plains pas. Avoir le vent avec soi est une chance qu’il faut savoir apprécier à sa juste valeur. Le vent contraire est le pire ennemi, un ennemi invisible et constant qui ne se contente pas de ralentir le marcheur qui doit lutter contre lui : il sape son élan, il le saoûle et le vide de son énergie.

Mais aujourd’hui, la bise est mon alliée. Sa main complice me pousse dans le dos, elle joue avec moi, me désarçonne et me fait presque décoller de terre lorsque ses rafales s’engouffrent sous mon sac. « Ch’vint il est heut » dit-on en langue picarde pour désigner la bise du nord qui m’accompagne obligeamment un peu au-delà des limites de sa zone habituelle d’influence, aux confins de la Picardie et du Vexin Normand. « Le vent, il est haut ».

Petite encyclopédie des vents de France (Honorin Victoire)
« Mais « le vent » n’existe pas. Tout comme « l’eau » des rivières et des fleuves, c’est un mot derrière lequel se cache une multitude de souffles différents. Leurs filets sont des caresses, leurs crues des ouragans. Ils prennent leur source, font leur lit, coulent et se faufilent à travers les vallées, selon des débits et des rythmes propres, avant de se jeter dans l’inconnu où ils s’évaporent sans laisser de trace. Magie d’une existence éphémère sans cesse renouvelée. »
Honorin Victoire — Petite encyclopédie des vents de France (JC Lattès, 2001)

J’avance donc vite, par vent arrière, parmi les champs qui longent la vallée de l’Epte, jusqu’à ce que tout à coup, sans prévenir, le vent mollisse et m’abandonne quand je franchis l’Aubette, non loin de Bray-et-Lu. En quelques minutes c’est fini, plus un souffle. Je marche à nouveau seul en cette fin d’après-midi.

Deux kilomètres encore, un bois, des chemins creux. Et puis, la récompense d’une lumière dorée qui traverse les branches quand j’atteins les hauteurs de La Roche-Guyon. Un chemin de montagne en ce pays de plaine serpente sur les flancs des coteaux calcaires qui protègent le fleuve. Je descends. Aux rayons d’un soleil proche de l’horizon, les falaises de craie de la vallée de Seine étalent leur blancheur sous un ciel bleu foncé.

6 commentaires


  • promeneur

    la Seine ici est merveilleusement dépaysante – et un peu plus loin on trouve encore un bac il me semble. Pourquoi irions nous sur le Nil ?

    Samedi 5 février 2011
    • Je confirme que les bords de Seine sont actuellement plus calmes que ceux du Nil !

      Dimanche 6 février 2011
  • Lignesbleues

    oui, il n’y a pas que les marins à avoir cette sensation « corporelle » du vent. Peut-être un jour nous parlerez vous aussi des odeurs (la brise qui transporte et sublime les odeurs, les vents violents qui les écrasent : coquin de Mistral, mais j’imagine que vous vous dirigez plus vers la Tramontane…)

    Vendredi 4 février 2011
    • Odeurs du nord et odeurs du sud, odeurs de la mer et odeurs de forêt en automne, terre et champignons. Le froid éteint les odeurs, mais dans quelques temps, quand la chaleur reviendra et les amplifiera à nouveau, sans doute pourrai-je répondre à votre « commande » d’aujourd’hui !

      Vendredi 4 février 2011
  • merci pour la précision sur mon blog!
    Merveilleuse arrivée sur la Seine! Irez vous à Giverny?

    Vendredi 4 février 2011

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